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sénateur Lodge, leader républicain, et le sénateur Underwood, leader démocrate.

M. Charles Hughes, chef de la délégation américaine, est aujourd’hui l’un des deux hommes les mieux instruits de la politique étrangère et aussi bien des nécessités inquiétantes de la politique intérieure des États-Unis. Quand M. Harding a dit de lui qu’il était « l’homme le plus nécessaire du pays, » tout le parti républicain et beaucoup de démocrates ont applaudi. Grand, très droit, la poitrine large, fortement charpenté avec une apparence svelte, le geste vif, le regard direct, comme éclairant, les traits accusés et, signe très particulier ici, portant la barbe, M. Hughes a la voix posée, ferme, sonore : il marche par enjambées longues, semble toujours prêt à foncer sur l’obstacle et va droit au but. Robuste dans son apparence physique, il l’est encore plus dans sa personne morale. Son inaltérable honnêteté s’est d’abord affirmée dans les grandes enquêtes dont il fut chargé par la ville de New-York sur les agissements des compagnies du gaz et d’assurance. Où un autre eût peut-être édifié une colossale fortune, seulement en laissant faire, M. Hughes fit condamner les compagnies coupables et obtint les réformes que la justice et l’intérêt public commandaient. Doué de l’ardeur qui décide une élite, il lui manque le feu qui enlève les foules. Certaine froideur d’accueil, sa tenue rigide, son vêtement de coupe cléricale, sa barbe, on ne sait quelle apparence enfin puritaine et de clergyman faussent d’abord l’impression que l’on reçoit de lui. C’est à le mieux connaître et dans l’intimité qu’il sait faire apprécier sa droiture, son jugement ferme, sa clarté d’esprit et, à l’occasion, son estime de la France.

M. Elihu Root, qui, en ce moment, l’écoute, se recueille, attend son tour, a toujours été considéré comme l’une des intelligences les plus puissantes des États-Unis. James Bryce, le diplomate et publiciste anglais le qualifiait de « plus grand secrétaire d’Etat américain. » L’opinion américaine a repris la qualification à son compte.

Le regard froid sous la haute arcade du sourcil, mince, les cheveux gris et drus légèrement hirsutes, M. Root parle peu, à bon escient, et lentement. On a dit de lui qu’il n’avait ni magnétisme ni imagination. A le connaître pourtant, on trouve qu’il a l’un et l’autre. Mais son magnétisme est celui de l’intelligence et son