Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/937

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ensuite vient ce passage où l’on croirait entendre l’écho ou la paraphrase d’un message historique du Président Wilson : «... Nous n’entretenons aucune crainte; nous n’avons aucun vil dessein : nous ne soupçonnons pas d’ennemis : nous ne cherchons, ni n’appréhendons aucune conquête; satisfaits de ce que nous possédons, nous ne cherchons pas à nous approprier le bien d’autrui. Nous voulons seulement, avec votre aide, faire passer dans la réalité, cette très belle et très noble chose qu’aucune nation ne peut accomplir si elle est seule... »

Lorsqu’enfin le Président, la voix plus ferme, la tête affirmant les paroles à mesure qu’il les prononce, déclare : « Je ne puis parler officiellement que pour les États-Unis. Nos cent millions de concitoyens veulent moins d’armements et pas de guerre... » la salle entière est subitement debout applaudissant, acclamant. En ces deux propositions le Président a exprimé tous les désirs, toutes les aspirations de l’Amérique d’aujourd’hui.

Aussitôt l’ovation terminée, M. Hughes, faisant droit à notre insistance pour que l’usage du français soit maintenu à la Conférence, s’enquiert, par l’intermédiaire de l’interprète officiel M. Camerlynck, si nous désirons que le discours soit traduit. Cependant comme des textes français ont été préalablement distribués à tous les délégués, M. Briand fait savoir, par le même intermédiaire, qu’il juge la traduction inutile.

M. Balfour prend ensuite l’initiative, — qui lui sera reprochée, — de proposer M. Hughes comme permanent chairman, c’est-à-dire président pour toute la durée de la Conférence. La Conférence marque son approbation par ses applaudissements.

M. Hughes se lève alors, est encore salué d’applaudissements et commence à parler. Quoique toute la première partie de son discours indique peu l’attitude qu’il va prendre, et le coup de théâtre qu’il prépare, cependant l’attention est immédiatement fixée. Une sorte d’appréhension et d’anticipation du choc qu’il va produire a simultanément saisi tout le public. C’est dans cette immobilité et ce silence absolus, par quoi il semble que la vie matérielle veuille à certains moments se suspendre ou comme se retirer pour ne rien troubler ou affaiblir du grand événement qu’elle sent tout près de se produire, que le Secrétaire d’État, de sa voix nette, grave, impérative, écarte d’abord, remet à plus tard la discussion attendue des questions du