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Japonais à abandonner. De cette faute capitale découlent toutes les difficultés et tous les malheurs qui ont suivi jusqu’à la guerre de 1914. Le sentiment national chinois, légitimement blessé, s’insurge ; un cri de haine contre les étrangers ébranle le vaste Empire : et c’est l’insurrection des Boxers qui rend nécessaire l’expédition internationale de 1900. Le Japon, lésé dans ses intérêts et dans sa fierté, se prépare énergiquement à, affronter la lutte qu’il sent nécessaire à son développement économique et à son expansion nationale : et c’est la guerre russo-japonaise de 1904-1905, la Russie paralysée en Europe par ses défaites asiatiques et la tentative révolutionnaire de 1905, l’Allemagne encouragée dans sa politique insolente d’expansion et d’impérialisme, les incidents du Maroc. L’occupation de Kiao-Tchéou par l’Allemagne, tolérée, puis imitée, par les autres Puissances, est le point de départ d’une série d’événements tragiques. Tout s’enchaîne et se tient ; tout découle comme d’une source empoisonnée de l’erreur initiale, — erreur voulue de la part de l’Allemagne, — de ne pas respecter les droits territoriaux et la dignité nationale du peuple chinois.

L’Empire britannique ne prend point part à la guerre russo-japonaise, mais sa politique a largement contribué à la rendre possible par l’alliance qu’il a conclue le 30 janvier 1902 avec le Japon Le Japon a pris conscience de sa valeur et de sa force et est entré, sous les auspices de l’Angleterre, dans le cercle des grandes Puissances civilisées ; il a été admis comme un égal dans le droit public européen. Briser la puissance de la Russie, arrêter son expansion vers Constantinople, vers la Chine, a toujours été un axiome de la politique britannique. En 1904, elle s’est servie du Japon pour abattre la Russie.

La défaite de la Russie n’élimine pas d’Extrême-Orient son influence ; le traité signé à Portsmouth (New-Hampshire), grâce à l’officieuse médiation du Président Roosevelt, établit le Japon à la place de la Russie à Port-Arthur et dans la partie méridionale de la Mandchourie et attribue au Japon la moitié de l’île de Sakhaline et des droits de pêche sur les côtes de la mer d’Okhotsk. Le Japon gagne beaucoup, mais la Russie perd peu ; elle subsiste comme grande Puissance, voisine de la Chine ; sa politique plus prudente revient aux maximes qu’au Japon comme en Russie, les hommes d’Etat avisés avaient depuis longtemps préconisées : entente entre les deux pays, intégrité