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politiques, de diplomates, de financiers, d’ingénieurs, de militaires, de marins, de publicistes. Quelle tentation pour l’éloquence ! Quel embarras pour le travail ! Si sacrée que soit l’idée de la publicité, on va être forcé de transiger avec les nécessités pratiques. Les séances solennelles se feront toutes portes ouvertes ; mais il y aura des comités d’études, des réunions préparatoires, des délibérations secrètes; et c’est alors l’autre danger. Toute cette foule inoccupée, impatiente, agitée, va errer dans les couloirs, bavarder, jaser, courir après les nouvelles, ramasser des bribes de renseignements, arrêter les bruits qui passent, grossir les incidents qui lui sont rapportés, enfler les rumeurs qui lui arrivent, commenter, envenimer, empoisonner les discussions, les mots, les plaisanteries, dont elle a saisi, derrière les murs, l’écho infidèle et trompeur.

Comparez seulement les réunions presque quotidiennes de la Conférence des ambassadeurs avec les solennités théâtrales de Londres, de Paris, de Washington. Dans les unes, la besogne se fait sans tapage et sans ostentation ; dans les autres, tout est conduit en vue de quelques manifestations bruyantes, qui ne laissent, en général, à la France que des déceptions et des déboires. Ce n’est pas M. Briand qui est responsable de ces détestables méthodes; il ne les a pas inventées; elles datent déjà de quelques années; et, avec tout autre président du Conseil, elles présenteraient les mêmes périls. Mais les premières séances, publiques et secrètes, de la Conférence de Washington auront certainement contribué à démontrer que tout n’était pas condamnable dans les traditions et les procédés de la diplomatie classique.

Si un chef de Gouvernement n’avait pas, de sa personne, exposé à une Assemblée internationale la thèse de son pays, il n’y aurait, sans doute, pas eu, en l’honneur de la France, une de ces démonstrations émouvantes, qu’il est difficile de refuser au peuple de la Marne et de Verdun; mais il ne se serait pas produit, non plus, de ces contre-coups fâcheux, qui nous font parfois payer un peu cher nos succès oratoires et les acclamations qui les ont accueillis. Il semble qu’aussitôt après l’hommage unanimement rendu au Président du Conseil français, bien des amours-propres blessés aient cherché leur revanche et qu’il se soit créé, autour de la Conférence, un milieu favorable à l’éclosion des calomnies et au développement des intrigues.

Si c’eût été un ambassadeur qui eût parlé au nom de la France, on n’eût probablement pas étudié les moindres de ses phrases jusque