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est un habit fait sur mesure : nous ne portons pas les costumes d’autrui.

La première partie de ce traité est pleine de grandeur. Nemours recommande aux siens de ne pas poursuivre la fortune, mais la vérité. « Il vous fault, dit-il, estre véritables en tout ce que vous traicterez et avec qui que ce soit et fust-ce bien avec vostre ennemy, car c’est la plus belle part que puisse avoir unz prince. Il ne faut rien promettre que ne veuilliez tenir, et par ce fault bien penser, avant que parler et avant que promettre, si pouvez tenir et si vous dites vérité : car il n’y a rien au monde qui face plus desdoigner et mésestimer unz prince ou unz chevalier de qualité et qui garde plus les gens d’honneur de traiter avec luy que quand il est cognu trompeur et menteur sans tenir sa parole, et nul ne s’y peult fier. » Bayard parlait ainsi, et j’ai entendu le général de Maud’huy haranguer de telle sorte une école de jeunes officiers.

L’homme, pourtant, se retrouve dans ce grand chrétien qui regarde la mort en face, et c’est encore à l’homme que nous avons la faiblesse de nous intéresser davantage. Ne se souvient-il pas du procès Rohan et du mal que lui ont fait les avocats lorsqu’il recommande d’éviter les grands parleurs, car « il n’est pas possible de tant parler sans dire unz monde de choses mal à propos en bonne compagnie ? » Il ne manque pas, lorsqu’il traite du gouvernement, de proposer une réforme judiciaire pour éviter ces chicaneries qu’on voit durer trente et quarante ans entre les maisons, ce qui est souvent cause de ruine, et tout le bien de ces maisons s’en va à ces avocats « qui, cependant que la noblesse met le bien et la vie pour le service du prince en une occasion de guerre, sont bien à leur aise auprès du feu à faire festin aux dames et à tirer l’argent des pauvres gens et sans danger de leur vie. » Ce n’était pourtant pas au service du prince qu’il avait mis à mal Mlle de Rohan, et pourquoi se plaignait-il des gens de robe quand la justice lui avait permis d’annuler sa promesse de mariage et d’abandonner, avec son enfant, la jeune fille qu’il avait séduite ? Mais jusque dans notre vertu nouvelle se viennent nicher nos ressentiments et nos rancunes, tant il est malaisé d’approcher de la perfection, fût-ce en contact avec la douleur et avec la mort.

Il y aurait beaucoup à puiser dans ce testament : sur l’exemple à donner aux serviteurs, sur le respect des gens d’âge, sur