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cadeaux de noces seraient exposés : les dernières heures avant le mariage en avaient été assombries. La question avait été résolue par la négative, Mrs Welland ayant dit, des larmes de colère aux yeux : « J’aimerais autant lâcher les reporters dans ma maison ! » Archer, autrefois, aurait partagé cette opinion ; alors tout ce qui concernait les coutumes de son petit monde lui semblait revêtir le caractère de l’absolu. Il trouvait aujourd’hui inconcevable que l’on s’agitât ainsi pour ces enfantillages. « Et pendant ce temps, pensait-il, il y a dans le monde des êtres réels, qui se débattent dans la vérité de la vie !…

Les voilà ! souffla le premier garçon d’honneur ;… mais le marié ne s’émut pas. Il savait que la porte de l’église ne s’ouvrait encore que pour le suisse, qui jetait un coup d’œil sur la scène avant de mobiliser ses forces. La porte fut doucement refermée, puis rouverte à deux battants ; un murmure courut dans l’assemblée : c’était la famille de la mariée.

Mrs Welland marchait en tête, au bras de son fils aîné. L’expression de sa large figure rose avait la solennité voulue ; sa robe prune aux panneaux bleu pâle, sa petite capote de satin ornée de plumes turquoises, éveillèrent l’approbation générale. Mais avant que l’imposant frou-frou des jupes de soie se fût apaisé, les spectateurs se retournaient pour apercevoir la suite du cortège. De vagues rumeurs avaient circulé la veille ; on disait que Mrs Manson Mingott, dans son obésité impotente, prétendait assister à la cérémonie. Comment pourrait-elle traverser la nef ? Quel siège serait assez vaste pour la contenir ? On savait qu’elle avait envoyé son menuisier examiner la possibilité d’élargir le premier banc ; mais le résultat avait été négatif. Sa famille avait passé une journée d’angoisse, pendant qu’elle délibérait sur le projet de se faire rouler dans son énorme chaise et de trôner devant le chœur.

L’exhibition de sa monstrueuse personne était apparue si fâcheuse à ses parents, qu’ils auraient volontiers couvert d’or le génie qui avait découvert que la chaise de Mrs Mingott était trop large pour passer entre les supports de la tente dressée à la porte de l’église. L’idée de renoncer à cette tente, d’exposer la mariée à la curiosité des couturières et des journalistes, eut raison du courage de la vieille Catherine. « Comment ! on pourrait photographier ma fille et la mettre dans les journaux ! » s’était écriée Mrs Welland. Le clan tout entier avait reculé