Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Archer ouvrit les yeux (les avait-il vraiment fermés, comme il le croyait ?) et son cœur se desserra. La musique, la senteur printanière des lys, la vision de May, qui flottait vers lui dans un nuage de tulle, le visage de sa mère, baigné d’heureuses larmes, le murmure des paroles du pasteur, les évolutions symétriques du cortège d’honneur, tous ces mouvements, tous ces bruits bien connus, lui semblaient maintenant étranges et dépourvus de sens.

— Mon Dieu ! pensa-t-il, ai-je bien la bague ? et il refit le geste nerveux de tous les mariés. Un instant après, May se trouvait à côté de lui, et le cœur figé du jeune homme se ranima au contact de cette pureté rayonnante.

« Réunis ici sous le regard de Dieu… » L’office commençait. La bague avait été passée au doigt de May ; les mariés avaient reçu la bénédiction de l’évêque ; les demoiselles d’honneur se préparaient à reprendre leurs places dans la procession, et la marche nuptiale de Mendelssohn roulait sous la voûte de la nef.

— Votre bras, donnez-lui votre bras ! dit, entre ses dents, van der Luyden Newland.

Archer eut de nouveau la sensation de revenir de très loin… Comment son imagination s’égarait-elle ainsi ? Était-ce pour avoir aperçu dans la foule anonyme cette masse de cheveux sombres, sous le bord d’un chapeau ? Mais, un instant après, ce n’était qu’une dame inconnue au long nez. Il aurait pu rire de s’y être presque trompé, et se demander s’il devenait le jouet d’hallucinations.

Lentement il descendit la nef avec May : les ondes rythmées de la marche les accompagnèrent jusqu’aux portes grandes ouvertes, au travers desquelles la belle journée de printemps semblait les accueillir. Les alezans de Mrs Welland, de gros nœuds de ruban blanc au frontail, piaffaient devant la tente.

Le valet de pied, décoré aussi d’une cocarde blanche, enveloppa May d’un manteau neigeux, et Archer sauta dans le coupé à côté d’elle. Elle se retourna vers lui avec un sourire triomphant et leurs mains s’unirent sous les voiles de tulle.

— Chérie ! dit Archer, — et de nouveau l’abîme s’ouvrait devant lui, pendant que sa voix articulait tendrement et gaiement : — J’ai cru avoir perdu la bague. Ce frisson-là fait partie de la cérémonie ! C’est un peu votre faute, vous m’avez bien fait attendre ! J’ai eu le temps d’imaginer mille catastrophes.