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levât l’ancre, le président s’entretint avec les amis qui l’accompagnaient. Il y avait là l’amiral Coundouriotis, le général Miliotis, l’amiral Miaoulis, les commandants Théocaris et Voulgaris, MM. Georges Mêlas, Négroponte, Averoff, Karapano, Maskenloniyakis, et enfin le général Danglis parti d’Athènes vingt-quatre heures après Vénizélos pour venir le rejoindre. Cet officier général, très populaire en Grèce, était désigné pour faire partie du triumvirat qui devait former le gouvernement provisoire. Il était porteur d’une lettre pour le président. Celui-ci la parcourut et ne put dissimuler son émotion. Il appela d’un signe l’un de ses compagnons de route, M. Georges Mêlas, et lui demanda de lire à haute voix cette lettre. Elle était signée du ministre de France à Athènes, M. Jean Guillemin. Il n’avait pas voulu laisser partir le général Danglis sans envoyer « au cher président et ami » un mot d’amitié et ses félicitations les plus chaleureuses.

« Je ne savais pas moi-même, cher et grand ami, lui disait-il, à quel point je vous étais attaché avant d’avoir ressenti le grand vide que votre départ a laissé dans mon cœur et la poignante anxiété qui m’a étreint jusqu’à ce que j’aie appris votre magnifique succès. Mes pensées sont constamment avec vous, avec vos compagnons, avec ceux que je connais et ceux que je ne connais pas. Vous venez d’ajouter une page glorieuse à l’histoire de votre noble pays.[1] »

À ces félicitations, le ministre de France ajoutait un extrait du télégramme qu’il venait d’envoyer à son gouvernement. « L’admirable proclamation de M. Vénizélos a déchiré tous les voiles et éclairé l’avenir. Son magnifique langage a tiré la Grèce de sa torpeur. M. Vénizélos a accompli ce miracle de réveiller l’âme grecque du sommeil léthargique où le poison allemand l’avait plongée. La grandeur de son acte, la noblesse de ses

  1. Cette lettre figure dans un ouvrage que vient de publier M. Georges Mêlas sous ce titre L’ex-roi Constantinn (Payot et Cie, éditeurs). Ami d’enfance de ce prince, il avait été son secrétaire particulier pendant de longues années et avait fait à son côté, comme capitaine, la campagne de 1912-1913 contre les Bulgares. Mais son attachement à la France et à l’Angleterre, ainsi que son admiration pour la personne et la politique de Vénizélos, le rendirent suspect. En 1915, après avoir essayé en vain de changer les tendances germanophiles de son souverain, il offrit sa démission. Elle fut refusée, mais deux jours plus tard, il était brutalement révoqué et eut à subir depuis tous les effets du ressentiment royal. Il fut ainsi conduit à se jeter dans le parti vénizéliste. Il était à Salonique en 1917 et accompagna le général Regnault à Athènes, lors de la mission Jonnart.