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idées ont fait courir à travers tout le pays un frisson d’enthousiasme. »

En terminant cette dépêche, le ministre exprimait le vœu que la France républicaine accordât son appui à Vénizélos et ne paralysât pas ses efforts en tombant dans le piège grossier tendu par le roi Constantin, et qui consistait à paraître cédera une pression des Alliés et non aux vœux de son peuple soulevé par Vénizélos. En résumé, il fallait que le Roi traitât avec le Président.

Au moment où Vénizélos recevait ce nouveau témoignage du dévouement prodigué à sa cause par le représentant de la République, sa marche triomphale vers Salonique lui rappelait ceux qu’il avait déjà reçus. Elle se poursuivait au milieu des ovations et des fleurs, activant la métamorphose qu’avait déjà subie sa mentalité. Jusqu’au moment de son départ d’Athènes, c’est surtout de l’Angleterre que ses opinions le rapprochaient. Il la considérait comme le facteur le plus important de ses projets, comme l’instrument le plus actif de ses ambitions nationales ; mais lorsqu’il avait entrepris de préparer son exode, il avait dû se convaincre que c’est à la France qu’il devrait l’aide et le secours les plus efficaces. Il ne pouvait, en effet, ne pas se rappeler que les premières confidences faites par lui à Sir Francis Elliott n’avaient pas été accueillies avec faveur. Le diplomate anglais ne lui avait pas ménagé les objections. Favoriser sa levée de boucliers, l’aider à arborer contre le roi Constantin le drapeau de la révolte, ne serait-ce pas donner l’exemple d’une violation de cette neutralité qu’on exigeait de la Grèce ?… Vénizélos avait beau répondre que le mouvement qu’il préparait n’était pas antidynastique, Sir Francis Elliott ne voulait rien décider sans l’autorisation de son gouvernement et le plus qu’il put faire, c’était de fermer les yeux.

Déçu de ce côté, le Président s’était alors adressé au ministre de France. Là, tout autre avait été l’accueil : « Je vous seconderai de tout mon dévouement et de tout mon cœur, avait déclaré ce diplomate. Seulement, écrivez-moi une lettre dans laquelle vous me demanderez la protection française. »

La lettre avait été écrite :

« Mon cher ministre, y était-il dit, me voyant obligé, à la suite des derniers événements, de quitter Athènes dimanche soir, pour me rendre à bord d’un bateau de commerce grec,