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panique s’ensuivit, mais, comme on ne relevait ni morts, ni blessés, la manifestation se reforma et alla chanter la Marseillaise sous les fenêtres du ministre de France. Dans son rapport du lendemain, le service des renseignements écrivait :

« Le contraste est frappant (entre l’attitude des autorités vis à vis des manifestations ententophiles d’aujourd’hui et celle qu’elles ont eue hier à l’égard des germanophiles, qu’elles ont laissé circuler et parvenir sans obstacle jusqu’au voisinage immédiat du cantonnement des marins français. »

L’observation était juste et le fait qu’elle signalait allait se reproduire de jour en jour. Il s’agissait pour les royalistes d’empêcher le gouvernement grec de livrer à l’Entente les armes qui lui avaient été promises et qu’elle réclamait. Le 24 novembre, le bruit courait que le ministère, résolu à ne pas céder, allait remettre aux Alliés une note leur notifiant son refus. Il se fonderait pour le justifier sur l’obligation. En outre, il alléguerait, pour ne pas rompre sa neutralité, d’une part la nécessité de ne pas provoquer un mouvement populaire et d’autre part que les Bulgares à Cavalla s’étaient emparés des armes sans qu’on les leur livrât et qu’en conséquence, la Grèce n’avait pas à en donner l’équivalent aux Allies ainsi qu’ils le prétendaient.

Ces rumeurs excitaient l’enthousiasme. Mais, loin d’apaiser les passions de la rue, elles en aggravaient la violence, ce que le service des renseignements interprétait ainsi. « Il y a de la part de nos adversaires un effort que je crois désespéré. Une minorité faible, mais très agissante, est en train d’organiser une véritable terreur à Athènes et en province. Les officiers semblent en général très montés. Le général Papou las, destitué de son commandement du 5e Corps et actuellement à Athènes, est le chef de cette bruyante opposition, dans laquelle il est difficile de distinguer la part de la peur, celle de la mauvaise foi, du bluff et de la fierté patriotique, s’il y en a. Ce soir, toutes les troupes et leurs officiers sont consignés. On raconte partout que le Commandant en chef va faire débarquer les marins demain au petit jour. Or, le Gouvernement a reçu à midi la note de l’amiral et sait fort bien qu’il ne sera pas question de mesures coercitives avant le 1er décembre. Les fausses nouvelles répandues ont visiblement le but d’énerver et exaspérer la population et surtout les troupes et de pouvoir déclarer demain que