Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’éminent sénateur, ce budget est aujourd’hui singulièrement grossi par l’exagération des prix à laquelle on est arrivé pour les reconstructions. Main-d’œuvre et matériaux coûtent maintenant cinq ou six fois ce qu’ils coûtaient avant la guerre. Les sinistrés, auxquels ont été délivrés des titres de paiement, il y a huit ou dix mois, se trouvent aujourd’hui fort embarrassés par les majorations survenues depuis lors. Quant aux devis qui sont actuellement examinés par les commissions cantonales, ils se traduisent par des charges écrasantes pour l’État, puisque, en tout cas, c’est l’État qui doit faire les avances. Dans quelle mesure ces dépenses seront-elles jamais remboursées par l’Allemagne? Le problème vient de se poser, de nouveau, à Bruxelles, et j’ai grand peur que nous n’en tenions pas encore la solution définitive. Je ne veux plus critiquer la procédure suivie ; on la jugera plus tard aux résultats. Au lieu d’être entendu à Paris, par la Commission des réparations, auprès de laquelle il est accrédité par le Reich, le délégué allemand, l’honorable M. Bergmann, a fait le voyage de Belgique et a présenté ses observations, à Bruxelles, devant des experts alliés, dont plusieurs appartiennent, du reste, à la Commission des réparations. Il s’est expliqué, suivant son habitude, avec courtoisie et modération. Si l’Allemagne était toujours représentée par des hommes tels que lui ou tels que son ambassadeur à Paris, bien des froissements seraient, sans doute, évités. Mais nous n’en devons pas moins prendre garde que sa thèse actuelle soulève les plus graves objections. « Nous sommes ruinés, dit le Reich; nous ne pouvons vous payer en or; nous n’avons pas de crédits; nous ne pouvons vous payer en billets ; mais, si vous voulez des marchandises, nous en tenons à votre disposition; nous vous en avons déjà, du reste, donné beaucoup; et même nous prétendons que nous vous en [avons donné pour plus des vingt milliards de marks que nous vous devons aux termes de l’article 235 du traité. »

Sur quoi, plusieurs journaux s’en prennent à la Commission des réparations. Comment n’est-elle pas à même de nous dire exactement si, oui ou non, les prestations déjà faites par l’Allemagne en navires, en charbon, en bestiaux, en machines, atteignent ou n’atteignent pas vingt milliards de marks? Malheureuse Commission! Voilà bientôt un an qu’elle est brimée par les administrations françaises chargées de collaborer avec elle, jalousée par des fonctionnaires et par des experts qui auraient désiré en faire partie, sevrée de renseignements par les services qui devaient lui en fournir, ligottée et malmenée, et on s’étonne, après cela, qu’elle n’arrive pas