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à remplir sa mission ! Mais passons et revenons aux Allemands. Leur idée fixe est de placer leurs produits chez nous, de nous les porter en compte et d’éteindre ainsi la totalité de leur dette. De cette manière, ils seraient assurés de relever, en quelques années, leur industrie et de ruiner, en même temps, la nôtre : double bénéfice pour eux. Lorsque cette mirifique opération serait terminée, ils nous tireraient leur révérence en nous disant : « Vous êtes payés. »

Nous ne pouvons vraiment pousser la bonhomie jusqu’à nous satisfaire d’une telle combinaison. Que nous commencions par nous faire payer en nature et que nous accordions à l’Allemagne des délais pour les paiements en espèces, soit. Il y a certainement des produits que nous ne fabriquons pas, pour le moment, en quantités suffisantes et que nous aurions avantage à nous procurer en Allemagne. Personne ne voudrait conférer à notre industrie nationale un monopole de production dont souffriraient les consommateurs et notamment les sinistrés des régions libérées. Ici encore, c’est affaire de mesure et de conciliation. Si nous achetons en Allemagne des matières premières ou des objets fabriqués, qui nous soient utiles dans nos départements dévastés, et si ces marchandises nous sont comptées à des prix raisonnables, il s’ensuivra une baisse dont notre budget, chargé des avances à faire aux victimes de la guerre, tirera un profit immédiat. Mais ces achats alimenteront l’industrie allemande, augmenteront les capacités fiscales de nos voisins, amélioreront leur change, relèveront leur mark. Un jour viendra donc rapidement où l’Allemagne retrouvera d’autres moyens de paiement ; et, en attendant même qu’elle soit en mesure de verser de l’or, elle pourra gager sérieusement des bons, comme ceux qu’elle a remis à la Commission des réparations et qui, jusqu’ici, sont des chiffons de papier. N’a-t-elle pas des douanes? N’a-t-elle pas des chemins de fer? Ne peut-elle déléguer à ses créanciers une portion déterminée de ses revenus annuels, calculée de manière à amortir la dette en un certain nombre d’années et à lui laisser cependant une marge suffisante pour son relèvement graduel ?

Tout cela eût été facile à régler, si l’on avait fourni à la Commission des réparations les éléments nécessaires à l’évaluation de la créance et si on lui avait laissé la liberté de fixer les modes de paiement. Mais on a voulu, nous répète-t-on, substituer à la vanité des textes la réalité des contrats. Comme si les contrats nouveaux, passés ou à passer, n’étaient pas eux-mêmes de simples textes, dont les signataires sont libres de s’affranchir ensuite, tout comme ils se dérobent au traité de Versailles! Et comme si nous avions à nous