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russe, acclamations des milliers de spectateurs qui sont venus de Pétersbourg sur des navires de plaisance, etc.

Le Président de la République aborde enfin l’Alexandria. L’Empereur le reçoit à la coupée.

Aussitôt les présentations accomplies, le yacht impérial met le cap sur Péterhof.

Assis à l’arrière, l’Empereur et le Président entrent tout de suite en conversation, je dirais plutôt en conférence ; car il est visible, qu’ils parlent d’affaires, qu’ils s’interrogent réciproquement, qu’ils discutent. Comme de juste, c’est Poincaré qui dirige le dialogue. Bientôt, c’est lui seul qui parle. L’Empereur ne fait plus qu’acquiescer ; mais toute sa physionomie témoigne qu’il approuve sincèrement, qu’il se sent en confiance et en sympathie.

Mais bientôt nous arrivons à Péterhof. Au travers de ses futaies magnifiques et de ses eaux jaillissantes, la demeure favorite de Catherine II apparaît en haut d’une longue terrasse d’où se précipite majestueusement une cascade écumeuse.

Nos voitures gravissent d’un trot rapide l’allée qui mène au portail du palais. A chaque tournant, on découvre des perspectives fuyantes, jalonnées par des statues, des fontaines ou des balustres. Malgré tout le factice du décor, on respire, sous la lumière caressante du jour, un vif et charmant parfum de Versailles.

A sept heures et demie, dîner de gala dans la salle de l’Impératrice Élisabeth.

Par l’éclat des uniformes, par la somptuosité des toilettes, par la richesse des livrées, par la splendeur du décor, par tout l’appareil du faste et de la puissance, le spectacle est d’une magnificence que nulle cour au monde ne pourrait égaler. Je garderai longtemps dans les yeux l’éblouissante irradiation des pierreries épandues sur les épaules des femmes. C’est un ruissellement fantastique de diamants, de perles, de rubis, de saphirs, d’émeraudes, de topazes, de bérils, un torrent de lumière et de feu.

Dans ce cadre féerique, l’habit noir de Poincaré est d’un effet médiocre. Mais le grand cordon azuré de Saint-André, qui lui barre la poitrine rehausse son prestige aux yeux des Russes. Et puis, sa physionomie, comparée surtout à celle de son