Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous pouvez le télégraphier.

— Merci ! Vous soulagez ma conscience d’un grand poids.


Mercredi, 29 juillet 1914.

Le prologue du drame me paraît arrivé à la dernière scène.

Hier soir, le gouvernement austro-hongrois a ordonné la mobilisation générale de l’armée ; le Cabinet de Vienne se refuse donc à l’entretien direct que lui proposait le gouvernement russe.

Cet après-midi, vers trois heures, Pourtalès vient déclarer à Sazonow que, si la Russie ne cesse pas immédiatement ses préparatifs militaires, l’Allemagne mobilisera aussi son armée. Sazonow lui répond que les préparatifs de l’État-major russe sont motivés par l’intransigeance obstinée du Cabinet de Vienne et par le fait que huit corps austro-hongrois sont déjà sur le pied de guerre.

A onze heures du soir, Nicolas Alexandrowitch Basily, vice-directeur de la chancellerie du ministère des Affaires étrangères, se présente à mon ambassade ; il vient m’annoncer que le ton impératif sur lequel l’ambassadeur d’Allemagne s’est exprimé cet après-midi, a déterminé le gouvernement russe : 1° à ordonner, cette nuit même, la mobilisation des treize corps destinés à opérer contre l’Autriche-Hongrie ; et 2° à commencer secrètement la mobilisation générale.

Ces derniers mots me font sursauter :

— N’est-il donc pas possible de s’en tenir, provisoirement du moins, à une mobilisation partielle ?

— Non. La question vient d’être examinée à fond par un conseil de nos plus hauts chefs militaires. Ils ont reconnu que, dans les circonstances présentes, le gouvernement russe n’a pas le choix entre la mobilisation partielle et la mobilisation générale ; car la mobilisation partielle ne serait techniquement exécutable, qu’à la condition de disloquer tout le mécanisme de la mobilisation générale. Donc, si nous nous bornions aujourd’hui à mobiliser les treize corps destinés à opérer contre l’Autriche et que, demain, l’Allemagne se résolût à soutenir