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que nous avons vu du goût des Rhénans pour leur passé, leurs légendes, leurs vieilles chansons. L’instinct du folk-lore et celui de la charité vont de concert à cette époque dans ces milieux cultivés. Mais comment s’assurer des ressources ? Les dames de Coblence recourent à un Institut de musique populaire que le bon Lezay-Marnesia a fondé précisément avec le souci d’y faire donner des séances de charité. En 1819, leur école abrite trente élèves ; en 1830, déjà cent quatre-vingts.

Ainsi nous voilà rassurés. Les Français ne sont pas passés inutilement et pour être oubliés. Ils ont laissé de la France derrière eux. Ils ont laissé des bâtiments, et dans ces bâtiments un personnel et des modèles. Mieux que des institutions, un esprit exemplaire. Ces associations de bourgeois et de dames prolongent et multiplient l’activité de nos administrateurs et de nos religieuses. Et faites attention à quelque chose d’encore invisible et de quasi souterrain : de jeunes âmes germent dans le sillon que notre passage a tracé.

Regardez à Mayence le séminaire français qu’a fondé sous l’Empire l’évêque strasbourgeois Colmar. C’est une bonne maison, nullement réservée aux seuls jeunes gens qui se destinent au sacerdoce. À qui veut la recevoir, on y donne l’instruction selon les méthodes françaises, comme au lycée napoléonien, avec une distribution des prix solennelle à la fin de l’année scolaire. Un collège bien pareil aux nôtres. Or, je vois là un jeune garçon, un nommé Geissel, fils d’un vigneron du Palatinat ; j’y vois un autre élève, Adam François Lennig, fils d’un commerçant mayençais. Deux enfants d’élite que nous retrouverons, celui-ci vicaire général de Mayence, celui-là cardinal, archevêque de Cologne ; et ils favoriseront les œuvres religieuses françaises, sans arrière-pensée politique, simplement parce que leur première formation les a disposés à être à l’aise dans le catholicisme français.

Et regardez encore, à Aix-la-Chapelle, ce pensionnat de jeunes filles, l’institution de Saint-Léonard, que l’administration napoléonienne a fondée sur le modèle des couvents français. Ce n’est qu’une bonne maison entourée d’un grand jardin et accotée d’une église ; mais d’une physionomie morale hors de pair. Il n’y a pas de pensionnat aussi célèbre dans toute la contrée. Internes ou externes, toute la bourgeoisie d’Aix y envoie ses filles pour qu’elles y reçoivent une éducation à la française.