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avait été précédé de pourparlers entre M. Trumbitch, pour les Yougo-Slaves, et M. Torre, pour les Italiens, et aboutit au vote d’un ordre du jour, dont la première partie scelle une sorte d’alliance générale entre les opprimés contre leur commun oppresseur, et dont la seconde pose les principes fondamentaux d’une conciliation particulière entre les Italiens et les Yougoslaves. C’est ce qu’on a appelé le pacte de Rome. Sans doute, ni le travail préparatoire du Congrès, — les pourparlers préliminaires italo-yougo-slaves, — ni le pacte lui-même, n’ont-ils infirmé la Convention de Londres, restée en marge de l’un comme de l’autre. Sans doute, ni l’un ni l’autre n’ont-ils substitué ni opposé à la solution adriatique de la Convention un nouveau projet de solution. Le pacte de Rome a expressément ajourné au moment de la paix la discussion des questions territoriales intéressant directement Italiens et Yougo-Slaves. Mais, en stipulant que ces questions seraient réglées à l’amiable, « sur la base du principe de nationalité et du droit des peuples à décider de leur propre sort, de manière à ne léser les intérêts vitaux d’aucune des deux nations ; » en spécifiant que des garanties seraient accordées, pour leur langue et leur civilisation propres, leurs intérêts moraux et économiques, aux éléments d’une des deux nationalités englobés dans le territoire de l’autre, le pacte de Rome n’en a pas moins admis implicitement, mais très clairement, l’éventualité d’une solution transactionnelle de la question adriatique. Nous ignorons si les promoteurs de ce pacte se sont jamais essayé (contradictoirement) à mettre cette solution sur le papier, à traduire en actes les principes posés dans la déclaration au bas de laquelle ils ont apposé leurs signatures. S’ils l’ont fait, nous avons peine à imaginer que ce puisse avoir été sans que les Italiens aient consenti à de notables concessions par rapport au programme territorial de la Convention de Londres. En fait, pacte de 1918 et Convention de 1915 s’inspiraient de principes différents, correspondaient à deux systèmes distincts. Le jour où le pacte, si la fortune en avait été plus heureuse, aurait dû servir de base à des clauses de traité, l’application en eût fatalement entraîné la renonciation des Italiens à la majeure partie de la Dalmatie, moyennant des garanties en faveur de leurs groupes nationaux sur la côte et dans les îles Dalmates. Elle eût, en revanche, pu comporter pour Fiume des garanties analogues, un régime