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territoriaux. Aucune sanction explicite n’est venue, de sa part, corroborer le pacte de Rome. Aucune initiative n’a été prise pour en appliquer les principes à un règlement anticipé de la question adriatique. A-t-il été question de former en Italie une légion yougo-slave, sur le modèle des corps polonais et tchécoslovaques qui servaient aux côtés de l’armée italienne : le projet n’a pu aboutir, parce que le gouvernement italien s’est opposé à ce que le serment de fidélité y fût prêté au Roi de Serbie. Les prisonniers tchéco-slovaques, polonais, transylvains ont-ils été, en Italie, internés à part et traités différemment des Autrichiens et des Hongrois : il n’en a été usé de même avec les prisonniers yougo-slaves que tardivement et jamais complètement. Les alliés de l’Italie lui ont-ils demandé que ces prisonniers fussent mis[1] à la disposition de l’armée serbe, sur le front de Macédoine : le gouvernement italien ne s’y est jamais prêté que pour un très petit nombre d’hommes. Il a donc donné l’impression, vraie ou fausse, de ne pas se résigner à l’inévitable, c’est-à-dire à la formation d’une Yougo-Slavie unitaire.

Ainsi est-il advenu que l’armistice du 4 novembre 1918 a trouvé Italiens et Yougo-Slaves dans un état d’inimitié mutuelle, qui avait fortement réagi sur les rapports de l’Italie avec la Serbie, et qui ne correspondait ni aux sentiments ni à l’attitude des autres alliés envers la nation yougo-slave.

Dans ces conditions, le règlement de la question adriatique ne pouvait être que hérissé de difficultés, non seulement entre l’Italie et le nouvel État serbe-croate-slovène, mais, par réaction, entre l’Italie et ses alliées, parmi lesquelles la France.


II. — L’OCCUPATION INTERALLIÉE DE FIUME. — L’INSTALLATION DE LA BASE FRANÇAISE

La victoire finale ne pouvait pas ne pas exalter le sentiment national italien. Elle l’a exalté d’autant plus que, plus longtemps attendue, elle a été plus complète et plus éclatante. Et dans tous les pays le sentiment national est d’autant plus exigeant qu’il est plus exalté. Au lendemain de Vittorio Veneto, l’opinion publique italienne a donc vibré davantage aux revendications extrêmes de l’irrédentisme ; elle s’est prise de sympathie pour des causes qui n’avaient pas encore touché la fibre

  1. Conformément aux vœux mêmes des intéressés.