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pas un bâtiment sur lequel il jetât son dévolu et dont n’eût précisément besoin le Conseil National. Et ainsi de suite : restrictions au libre usage de la gare et du chemin de fer ; censure sur les communications postales, télégraphiques et téléphoniques. Deux principes se heurtaient dans tous ces cas d’espèce : celui de l’égalité entre occupants, le seul applicable en droit ; celui d’une préséance italienne. Des contacts quotidiens entre le général Tranié et le général Grazzioli, qui surent conserver leur sang-froid et leur esprit de camaraderie militaire, amortissaient heureusement le choc des doctrines opposées. Mais, après intervention du premier, le second n’en subordonna pas moins l’installation et le fonctionnement de la basa française à une série de six conditions[1].

Ces démêlés donnèrent lieu à un échange d’explications entre Paris et Rome, qui se prolongea de la mi-novembre à la mi-décembre 1918.

Le plus fâcheux, à beaucoup près, n’était pas ces explications de gouvernement à gouvernement, qui ne troublaient nullement l’harmonie de leurs rapports et ne changeaient rien à leur ferme propos d’entente. C’était le contre-coup des affaires de Fiume sur l’opinion publique italienne. Chaque incident, si minime fût-il, était soigneusement recueilli par des journaux locaux, de Pola, de Fiume, de Zara, et transmis à la presse de la péninsule par ses correspondants dans les ports adriatiques. Et les reproches, les récriminations d’éclater contre nous, à propos de l’attitude de nos officiers, de nos marins, de leur prétendue antipathie envers l’Italie, de leur soi-disant partialité en faveur des Yougo-Slaves ; toutes imputations étayées sur des faits d’une complète inconsistance. Des Anglais, des Américains, pas encore arrivés, ou encore en petit nombre, il n’est toujours pas question. L’affaire de Fiume tourne ainsi au conflit franco-italien, au moins au conflit italo-yougo-slave, où la France est censée prendre le parti des Yougo-Slaves. Aussi l’opinion publique italienne s’excite-t-elle contre nous.

  1. Emploi d’une main-d’œuvre militaire italienne ; débarquement des marchandises assuré par la marine italienne ; obligation de demander au Conseil National la disposition de tous locaux, quais, moles, édifices, matériel ; contrôle sur la gare de Fiume d’une commission interalliée présidée par un officier italien, dans des conditions prévues par le Conseil National ; interdiction à tout Serbe de pénétrer dans Fiume ; droit pour l’autorité militaire italienne d’interrompre le trafic entre Fiume et Agram.