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Simultanément, elle est ancrée dans sa passion naissante pour Fiume par la contradiction qui lui est dénoncée comme venant de nous. Fiume prend de jour en jour plus d’importance par le bruit fait autour de son nom. Une campagne de presse, qui a toutes les sympathies des marins, de beaucoup de militaires, de quelques-uns des éléments les plus patriotes du pays, rappelle sans cesse l’attention de la masse sur Fiume et la Dalmatie. L’amiral Cagni, à Fiume même, prononce un discours où il déclare que cette ville est et restera italienne. L’amiral Del Bono, ministre de la Marine, donne à un journal une interview énumérant les raisons militaires, économiques, ethniques, pour lesquelles Fiume doit être réunie à l’Italie. L’amiral Thaon di Revel, chef d’Etat-major général de la Marine et commandant en chef de l’armée navale, se prononce dans le même sens.


III. — LA QUESTION DE L’ADRIATIQUE DEVANT LES PUISSANCES ALLIÉES ET ASSOCIÉES. — LE MESSAGE WILSON

Dans la seconde quinzaine de décembre 1918, le roi Victor-Emmanuel se rend à Paris. Il y reçoit un accueil très chaleureux. L’écho des acclamations qui l’y ont salué contribue beaucoup à apaiser les ressentiments qui grondaient dans la péninsule. D’autre part, l’instruction envoyée au général Grazzioli de n’entraver en rien l’exercice des pouvoirs du général Tranié a résolu la question sur place. Une tranquillité relative s’établit à Fiume et les esprits se calment en Italie. Mais la question de Fiume était posée devant l’opinion publique italienne, au tout premier plan de ses préoccupations.

La fin de décembre est l’époque où chacun des gouvernements alliés dresse ses batteries en vue des négociations de la paix. Et c’est aussi l’époque où le Président Wilson, débarqué depuis peu en Europe, est entouré de tout le prestige qui lui présageait le rôle d’arbitre. On savait depuis longtemps qu’il ne reconnaissait pas les traités secrets conclus entre les Alliés, donc pas la Convention de Londres. On n’avait pas été sans remarquer en Italie ce qu’il y avait de vague, de flou dans celui de ses quatorze points qui concernait les revendications italiennes. Aussi n’était-on pas très rassuré sur ses dispositions. L’ambassadeur des États-Unis à Rome, M. Page, qui portait intérêt aux Italiens, avait instamment conseillé à M. Sonnino de ne pas