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même. Notre assentiment n’eût pu être qu’une manifestation platonique.

Convenait-il de nous y livrer ? Il y a du pour et du contre. Le pour est que, c’eût été avantageux à nos relations avec l’Italie. Le contre est précisément que c’eût été sans profit pour elle. Aujourd’hui, nous serions peut-être plus attentifs à la première considération ; alors, nous devions l’être davantage à la seconde. Surtout quand une délibération en est encore à ses débuts, il est logique de la considérer sous l’angle de son résultat pratique plutôt que sous celui de ses répercussions politiques. Il est rationnel d’écarter les solutions qui n’ont a priori aucune chance d’être acceptées par l’une ou l’autre des parties en cause et de se prononcer pour un moyen terme qui puisse, en définitive, rallier les suffrages des deux. Or, dans les dispositions où se trouvait le président Wilson, Fiume à la Société des Nations représentait manifestement le maximum auquel il pût être amené : et aucune conclusion possible sans lui.

Même en fait de répercussions politiques, celles que pouvaient subir nos rapports avec l’Italie n’étaient pas les seules dont nous eussions à nous préoccuper. La sauvegarde de grands et multiples intérêts français dépendait encore de l’issue de négociations en cours avec M. Wilson et avec M. Lloyd George. Envers eux aussi, il y avait des ménagements à garder, sous peine de nous les aliéner, sans que l’Italie y gagnât. Sur le terrain de la Convention de Londres, la parole donnée nous traçait notre devoir et traçait le même à l’Angleterre. En dehors de ce terrain, — et l’Italie avait pris l’initiative d’en sortir en demandant Fiume, — notre liberté d’action recouvrée ne nous dispensait pas de prudence. Nous avions fait nous-mêmes, aux vues de M. Wilson et de M. Lloyd George sur les questions qui nous touchaient le plus directement, d’importantes concessions, qui n’étaient déjà plus un mystère. Devions-nous et pouvions-nous être plus intransigeants en faveur d’autrui ?

Il était, en vérité, aisé de prévoir que l’Italie le serait davantage pour elle. On aurait sans doute envisagé alors avec des chances de succès une solution qui eût consisté à ne pas opposer de refus péremptoire aux revendications italiennes sur Fiume, sous condition d’échange contre la Dalmatie, moins Zara et, peut-être, Sebenico, constituées en enclaves italiennes ou internationalisées. A travers des hésitations, qui ne servaient