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au Parlement italien. Comme la note, conçue en termes très amicaux, n’en exclut pas moins l’attribution de Fiume à l’Italie, il se bornera à en faire mention sans la lire. Donc, ni intransigeance, qui rendit la situation sans issue ; ni capitulation, qui désagrégeât le pays. Aucune illusion non plus chez M. Sonnino ; la résolution de ne pas humilier l’Italie, unie à celle de ne pas l’acculer aux aventures ; la même préoccupation que chez M. Orlando de sauvegarder la cordialité des relations avec la France et l’Angleterre. Cette préoccupation l’amène à nous demander la réciprocité ; en nous rappelant, sans forfanterie, que l’amitié d’un peuple de 40 millions d’habitants n’est pas à dédaigner et que ce peuple ne serait jamais quantité négligeable !

Le 29, les séances de la Chambre et du Sénat se déroulent conformément au protocole réglé d’avance. Des déclarations de M. Orlando, il y a à retenir un calme exposé de la négociation et de la position des divers intéressés, le ton modéré et conciliant, l’affirmation qu’il demeurait prêt à reprendre la discussion dans le même esprit, une évocation chaleureuse de la fraternité d’armes avec les Anglo-Français, enfin un appel direct à la bonne amitié et au concours des Alliés. M. Luzzatti, en développant son ordre du jour, réussit à faire applaudir la France, à l’occasion d’une adresse de sympathie de la Chambre française. M. Turati, au nom des socialistes officiels, prononce un remarquable discours, où il exprime les idées les plus justes sur les dangers de l’isolement. Mais, comme il a déclaré respecter le droit d’auto-décision de Fiume, ses auditeurs lui pardonnent d’aussi cruelles vérités. L’ordre du jour final, court et vague, n’engageant le Gouvernement à rien de précis, est voté à une grande majorité : le Sénat le vote à l’unanimité, après un discours de M. Tittoni. Tout compte fait, la tenue des deux assemblées a donc été parfaite de réserve et de dignité. Au dehors, la population est restée calme ; de sévères mesures d’ordre avaient d’ailleurs été prises.

A partir de ce moment, un changement notable se produit dans l’état des esprits. La fièvre tombe. La courbe de la température s’abaisse. Le vote des Chambres acquis, la solidarité de l’opinion et du Parlement avec le gouvernement affirmée, le Gouvernement et le pays tout entier se trouvent en présence de l’isolement et de ses conséquences. Le sentiment qui se fait jour, à travers les fumées d’une exaltation qui s’apaise, est un