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désir intense de sortir de l’impasse, d’en sortir non à tout prix, mais honorablement. Aussi se prend-on à compter de plus en plus sur les Alliés, et principalement sur la France. Au sortir de la séance de la Chambre, M. Orlando donne au correspondant romain du Temps une interview qui est un appel pathétique aux bons offices de la France. Un journal comme la Tribune, qui n’avait pas épargné les critiques à M. Clemenceau, s’adresse à lui et lui fait confiance.

Confiance toutefois inquiète, dans laquelle s’insinuent peu à peu la désillusion et le soupçon. Les nouvelles de Paris répandent l’alarme, et l’amertume. Momentanément privés de leur quatrième, les big three ont repris avec un mort leur éternelle partie de bridge. Les journaux annoncent leurs réunions, les questions internationales qu’ils discutent, la convocation pour le 3 mai des plénipotentiaires allemands. Ils annoncent aussi la conclusion entre la France, l’Angleterre et les États-Unis d’une alliance à trois : et les Italiens de se froisser que leur pays n’ait pas été invité à s’y joindre. Ils n’ont pas lieu de s’en offusquer, puisqu’il s’agit d’une alliance de garantie, à laquelle ils déclineraient vraisemblablement de s’associer, sans la rendre réciproque, ce qu’elle n’est pas. Mais peu importe. L’absence de Paris de leurs délégués, rompant le contact quotidien avec les nôtres, met obstacle aux explications qui eussent prévenu les interprétations inexactes. Nous subissons les conséquences d’une situation dont nous sommes innocents. L’impression ressentie en Italie des nouvelles de la Conférence conduit les esprits à se poser une question, qui est sur toutes les lèvres : « Signera-t-on la paix sans nous ? » Le seul départ de la délégation avait déjà posé, dans la péninsule, ce troublant point d’interrogation. Mais ce n’avait été alors qu’une conjecture exceptionnellement émise et écartée aussitôt qu’émise. Voici qu’elle reparait discutée comme une possibilité. Dans la presse, dans les propos, on se met à invoquer la déclaration de Londres, qui interdit aux Alliés toute paix séparée, et toute présentation de conditions de paix à l’ennemi par l’un des Alliés, sans concert préalable avec les autres.

Il n’était, pas question, pour nous au moins, d’y déroger. A un télégramme de M. Luzzatti, M. Clemenceau avait répondu, laconiquement, mais catégoriquement, que la politique de la France ne serait jamais celle des chiffons de papier. M. Poincaré avait déclaré au journal France-Italie que la France était résolue