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— Ellen ! Ellen ! Ellen !

Elle ne répondit pas ; et, sans plus rien dire, il regarda son profil s’effacer peu à peu dans le crépuscule rayé de neige. Qu’avait-elle fait pendant ces quatre longs mois ? Combien peu ils se connaissaient, après tout ! Les minutes passaient ; mais il avait oublié tout ce qu’il voulait lui dire ; il ne savait que méditer sur le mystère par lequel ils se trouvaient à la fois unis et si séparés. Être assis l’un contre l’autre sans même se voir, n’était-ce pas l’image de leur destin ?

— Quelle jolie voiture ! Est-ce celle de May ? demanda-t-elle tout à coup.

— Oui.

— Alors, c’est elle qui vous a envoyé pour me chercher ? Comme c’est aimable !

Un moment de silence ; puis il dit d’une voix changée :

— Le secrétaire de votre mari est venu me voir le lendemain du jour où nous nous sommes rencontrés à Boston.

Dans sa courte lettre à Mme  Olenska, Archer s’était gardé de mentionner la visite de M. Rivière. Mais aussi, pourquoi lui rappelait-elle qu’ils étaient dans la voiture de May ? Il allait voir, à son tour, si une allusion à M. Rivière lui serait agréable ! Comme en d’autres occasions où il avait cru la troubler, la jeune femme ne trahit aucune surprise. Elle s’informa :

— M. Rivière est allé vous voir ?

— Ne le saviez-vous pas ?

— Nullement.

— Et cela ne vous étonne pas ?

Elle hésita.

— Qu’y a-t-il à cela d’étonnant ? M. Rivière m’a dit à Boston qu’il vous connaissait, qu’il vous avait rencontré, je crois, en Angleterre.

— Ellen, je veux vous demander une chose.

— Laquelle ?

— C’est M. Rivière qui vous a aidée à partir quand vous avez quitté votre mari ?

Le cœur du jeune homme battait à se rompre. À cette question, garderait-elle son calme ?

— C’est lui. Je lui ai beaucoup d’obligation, ajouta-t-elle sans que sa voix tranquille fût en rien altérée.

L’accent était si naturel qu’Archer se tranquillisa. Encore