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Un drame dans le monde[1]


PREMIÈRE PARTIE


I. — L’EGAREMENT

Madame la comtesse, dit la Religieuse en entrant dans la chambre à coucher, monsieur le comte est là. Elle avait parlé à voix basse, les yeux tournés anxieusement du côté du lit où se dessinait, dans l’ombre et sous les rideaux, une forme vague de malade. Au chevet une jeune femme était assise, qui se leva vivement, et, à voix basse, elle aussi :

— Hé bien ! ma Sœur, prenez ma place. Je n’ai à causer avec M. de Malhyver que quelques minutes. Je reviens, et vous pourrez vous reposer un peu encore.

— Et Mlle de Sailhans ? interrogea la Religieuse, en désignant le lit d’un geste de la tête.

— Ma tante semble tout à fait tranquille, dit l’autre. Voyez…

Elle souleva de la main le sombre lampas à plis lourds. Une face vieillie et douloureuse apparut sur l’oreiller, les paupières fermées, la bouche ouverte et tirée à droite. La Sœur eut un hochement significatif en s’asseyant dans le fauteuil, tandis que Mme de Malhyver passait dans un salon attenant, où l’attendait son mari. Cette vaste pièce était éclairée d’une lumière à peine plus forte que celle de la chambre à coucher, par une grande

  1. Copyright by Paul Bourget, 1921.