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« Mes garçons sont des écoliers détestables et tapageurs. Ils sont à la pension Boniface, et reviennent crottés et barbouillés d’encre, voilà le plus clair de leur affaire. Marie fait sa première communion au mois du mai, et vous pensez si nous sommes dans la ferveur du catéchisme.

« À ce propos, ma chère amie, je vous dirai ce que je n’ai pas osé dire à M. Bocage, c’est que si sa petite fille eût été élevée dans des sentiments pieux, et qu’elle eût su les lois d’obéissance et de respect que Dieu nous impose vis à vis de nos père et mère, elle n’aurait pas consenti à quitter la maison paternelle, et à plonger ses parents dans des angoisses pires que la mort.

« Cette petite fille est partie samedi à six heures, et n’est rentrée que le jeudi ; elle dit qu’elle voulait apprendre un état, se faire ouvrière, etc. ce sont des mensonges, une vieille femme l’aura emmenée.

« Cette affaire a quelque chose d’horrible et de ténébreux, qui m’épouvante[1]. »

Mme F. Buloz n’oublie pas, en bon plénipotentiaire, de faire des offres à l’écrivain pour l’engager à rentrer à la rédaction de la Revue. Mais ces offres ne doivent pas plaire à George, car elle persiste à rester à l’écart ; — deux ans après, en 1853, elle n’est pas encore revenue ; F. Buloz le déplore toujours, en lui écrivant le 4 mai : — (Il a passé sa dernière nuit à lire Mont-Revêche, et cette lecture lui a apporté des réminiscences d’une autre époque.)

« .. Vous avez suivi une autre route, vous avez quitté un lieu que je croyais presqu’un foyer et une patrie pour vous. » — Depuis, bien des événements se sont passés, François Buloz le remarque : — « Vous détestiez la monarchie constitutionnelle, moi, je redoutais la République… Eh bien ! qu’est-ce qui est arrivé ? C’est que votre République que je craignais tant, à laquelle je me faisais assez bien cependant, m’a presqu’enrichi en me portant à la Revue, d’un tirage de trois mille à sept mille.

« Cette Monarchie de 1830, que vous avez crue si magnifique pour moi, n’a jamais tant fait pour ma sécurité, car en me donnant une situation médiocre, très difficile à tenir, qui absorbait tout mon temps, elle m’avait presque paralysé dans mon industrie… Pourquoi ne nous rejoindrions-nous pas de

  1. Collection S. de Lovenjoul. Datée du 26 décembre 1862 par erreur, cette lettre doit être de 1851, inédite.