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dans la Revue, et déjà le 5 avril 1859, on pouvait remarquer dans La Correspondance cette note fort perfide :

« Nous avons perdu Alfred de Musset au mois de mai 1857, mais les morts vont vite sur la pente de l’oubli ; vingt mois ne s’étaient pas écoulés que la Revue des Deux Mondes, qui lui devait tant, a inséré un roman de Mme Sand : Elle et Lui, où était traités indignement la mémoire du poète qui n’était plus là pour se défendre. On prétend, — et je serais charmé que la nouvelle se confirmât, — que plusieurs amis de l’immortel auteur des Nuits vont relever l’insulte, et faire paraître incessamment une réponse qui ne peut manquer d’être sanglante ; qui sait si après Elle et Lui, l’illustre romancière ne continuera pas à défiler son chapelet, et ne nous donnera point une suite d’histoires, qu’elle pourra intituler Elle et Eux ? »

Le 20 avril, nouvel article de la Correspondance littéraire, qui reproche à la Revue une faute grave : apprendre à ses collaborateurs comment elle respecte leur mémoire ; et une maladresse : fournir à un recueil qui est appelé à lui faire une redoutable concurrence, l’occasion de publier Lui et Elle. -— Où est-il, ce recueil dangereux ? Eh bien ! c’est le Magasin de librairie : on ne s’en doutait pas. — « Voici en effet que le Magasin de librairie publie dans son numéro du 10 avril la contre-partie du roman de Mme Sand… M. Paul de Musset, sous ce titre de Lui et Elle, s’est chargé de donner une dure leçon à l’ancienne amie de son frère, et de la faire descendre, un peu trop brutalement peut-être, du piédestal sur lequel elle s’est posée en victime… »

Ce qui irrite le plus la critique de l’époque, c’est l’amour un peu protecteur et maternel de Thérèse, l’héroïne du nouveau roman ; elle appelle ses amants : « Mon cher enfant. » Cette formule déplaît ; la Correspondance littéraire en est choquée ; « L’on peut se demander avec le poète :

D’où lui viennent de tous côtés
Ces enfants qu’en son sein elle n’a point portés.

Enfin, le 5 mai : « Ceux qui aiment le scandale doivent être satisfaits ; je trouve que la vengeance est complète, et ce qu’il y a de plus fâcheux, c’est qu’elle est méritée… etc. » Le Pays, en juin, juge les deux romans, et c’est ici Barbey d’Aurevilly qui parle : « Voici deux déplorables livres, que la critique ne peut séparer… Elle et Lui… c’est un livre d’une