Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/513

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les événements soient vrais ; ce qui lui importe, c’est de rechercher si l’analyse des passions est délicate, si la peinture des caractères est fidèle : « Eh bien ! dans Elle et Lui, par une puissance merveilleuse de pénétration intime, d’observation psychologique… Par la grâce d’un style toujours égal et toujours pur… l’auteur s’élève au-dessus de lui-même, c’est-à-dire des autres… Je ne sais ce qu’on entend par le sublime, mais je sais qu’il n’y a nulle part, excepté dans certaine scène de Polyeucte, plus de tragique élévation que dans cet admirable passage : « Thérèse, Thérèse… jurez-moi sur le souvenir de l’enfant que vous avez perdu, que vous n’aimez plus Palmer, etc. »

Pontmartin à cette heure écrit au Correspondant, car il a quitté la Revue des Deux Mondes ; (et même, il ne demanderait pas mieux que d’y rentrer.) C’est un charmant causeur que Pontmartin, il serait aussi un excellent critique, s’il n’était dominé par l’intention de moraliser ses lecteurs ; la chronique qu’il consacre à Elle et Lui sera un excellent prétexte pour leur indiquer le néant des amours coupables : c’est un peu monotone, et si inutile ! « Lui et Elle est une œuvre de châtiment ou de vengeance, mille fois plus cruelle envers Olympe que ne l’était le roman d’Elle et Lui : « Si j’étais le seul que cette femme ait mis en cet état, on pourrait me citer comme une exception, un cas rare… Regarde où en sont aujourd’hui ceux qu’elle a aimés. Tous ne sont-ils pas sortis de ses mains plus ou moins meurtris, défigurés, estropiés pour jamais ? On en ferait une procession de fantômes[1] ; » et encore : « Mais je suis perdu ! s’écria Édouard, je mourrai avant elle et je serai calomnié, etc. »[2]

« Les voiles sont trop transparents, » observe le critique du Correspondant, « les polémiques trop personnelles… » et dans un accès de lyrisme religieux il s’écrie : « Voilà donc le dernier mot des passions libres et fières, qui marchaient à la conquête de l’idéal, à qui le monde semblait trop petit !… nous avons vu comment elles commencent, vous voyez comment elles finissent. O néant du cœur de l’homme abandonné à ses propres forces ! qu’ils se consolent, ceux qui parfois sont tentés de se plaindre, d’avoir passé ici-bas sans connaître ces amours chimériques qui sont aux amours véritables ce que la fièvre est à la vie… »

  1. Paul de Musset, Lui et Elle.
  2. Idem.