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Mauvaise comparaison, et puis il félicite l’homme de bien, celui qui n’a pas éprouvé d’amours chimériques : « Dans sa vieillesse, son regard peut s’arrêter sur la moisson qui ne mûrit que pour les âmes pures, soumises à la loi de Dieu. » (Qu’est-ce que cela veut dire ? J’avoue n’y rien comprendre, — cette moisson, ces amours chimériques, — chimérique l’amour de George ? Oh non ! ) Bref, Pontmartin exhorte ses lecteurs à éviter la fièvre. — Que ces lecteurs, après cela, ne s’avisent pas de relire la magnifique tirade de Perdican : « On est souvent trompé en amour, souvent blessé, et souvent malheureux, mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe… » etc..[1]car cette éloquence-là leur semblerait plus entraînante que celle de Pontmartin.

L’homélie de Pontmartin est fort morale, et comme prédicateur évangélique il foudroie, mais comme écrivain, peut-il s’empêcher de louer et de reconnaître la supériorité d’Elle et Lui, sur Lui et Elle ? Il n’hésite pas, et préfère le livre de Sand au pamphlet de Paul de Musset. Enfin un autre critique, M. Babou, écrit dans la Revue Contemporaine de juillet-août 1859, un article intitulé : Les confessions de deux enfants du siècle.

M. Babou est très effrayé de tant de romantisme, il cite aussi des passages d’Elle et Lui, une lettre de Laurent-Musset : « Ma chère Thérèse, mon cher Palmer, vous êtes mes anges gardiens, — vous m’avez porté bonheur… je renais… je vous aime, mon être se transforme, etc.. » M. Babou s’indigne : « Quelles étranges confidences ! Dans quel monde sommes-nous ? » « Un amant écrit en style emphatico-mystique à son ancienne maîtresse, à son rival heureux, qu’il est entraîné vers de nouvelles amours, et il leur demande à mains jointes des prières, et des bénédictions, qu’on lui expédie courrier par courrier !… » M. Babou s’étonne et doute : « C’est invraisemblable. » — Hélas ! M. Babou n’est pas un romantique, et nous savons, nous, que George n’a rien inventé ; ces lettres folles, nous les avons lues dans la correspondance de Sand et de Musset ! — Oh ! mon enfant, tu ris, tu es belle, tu es jeune, tu te promènes sous le plus beau ciel du monde, appuyée sur un homme dont le cœur est digne de toi. — Brave jeune homme ! dis-lui combien je l’aime, et que je ne puis retenir mes larmes en pensant à lui ; » et de George :

  1. Cette tirade est d’ailleurs de George Sand, Voir sa Correspondance avec Musset publiée par M. Decori.