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l’autoritarisme prussien, déclarent intolérable l’outrage que le bombardement de Belgrade inflige à tout le monde slave et se montrent parmi les plus belliqueux. D’autres se taisent, ou se bornent à dire que l’Allemagne et l’Autriche viennent de porter un coup mortel au principe monarchique en Europe.

Avant de rentrer à l’Ambassade, je passe au ministère des Affaires étrangères, où Sazonow désire me parler.

— Je suis inquiet, me dit-il, des nouvelles que je reçois de Constantinople. J’ai grand’peur que l’Allemagne et l’Autriche ne nous y manigancent un tour de leur façon.

— Quoi, par exemple ?

— Je crains que la flotte austro-hongroise n’aille se réfugier dans la Mer de Marmara. Vous voyez d’ici les conséquences !


Samedi, 8 août 1914.

Une armée française est entrée hier en Belgique, se portant au secours de l’armée belge. Le sort de la France va-t-il se décider une fois encore entre la Sambre et la Meuse ?

Aujourd’hui, séance du Conseil de l’Empire et de la Douma. Dès le 2 août, l’Empereur avait publié son dessein de convoquer extraordinairement les assemblées, législatives, « afin d’être en parfaite union avec notre peuple. » Cette convocation, qui eût semblé toute naturelle et nécessaire en n’importe quel autre pays, a été interprétée ici comme une manifestation de « constitutionnalisme. » Dans les milieux libéraux, on en sait le plus grand gré à l’Empereur, car on n’ignore pas que le Président du Conseil, Gorémykine, le Ministre de l’Intérieur, Maklakow, le Ministre de la Justice, Stchéglovitow, et le Procureur suprême du Saint-Synode, Sabler, affectent de considérer la Douma comme un organe infime et négligeable de l’État.

Je prends place, avec Sir George Buchanan, au premier rang de la loge diplomatique.

Une vibrante allocution du Président Rodzianko ouvre la séance. Son éloquence déclamatoire et sonore soulève l’enthousiasme de l’assemblée.

Puis, à pas chancelants, le vieux Gorémykine monte à la tribune. Soutenant avec peine les sons d’une voix débile qui s’épuise par instants comme s’il allait mourir, il expose que « la Russie ne voulait pas la guerre, » que le Gouvernement impérial a tout essayé pour sauvegarder la paix, « s’attachant même