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revendication. C’est l’heure où les principes de l’Internationale des Travailleurs s’arment à l’ombre des cathédrales de Trêves et de Cologne. Karl Marx transpose en quelque sorte dans la vie économique les conflits dont son hérédité juive lui apportait le souvenir, et bientôt un autre rhénan, Bebel, va s’efforcer d’organiser les masses des travailleurs rhénans pour le combat social.

Hansen reproche à la bourgeoisie de n’avoir pas su jouer son rôle dans l’Empire allemand reconstitué après 1870. « La tâche qui incombait au peuple allemand, non seulement de constituer un État national vrai, c’est-à-dire ayant sa constitution politique, et d’assurer sa défense, mais aussi de reprendre la mission qu’il s’était fixée depuis la Réforme, mission de rénovation morale et de portée universelle, ne trouva pas de génération capable de l’entreprendre et de l’accomplir jusqu’au bout. Le libéralisme bourgeois, impuissant à concevoir de grandes idées politiques, ne comprit ni les questions économiques, ni les questions sociales qui se posaient. Il manquait aux épigones des chefs, capables, comme leurs prédécesseurs, d’élever l’âme humaine hors des intérêts de groupements, de la détourner de son penchant naturel à juger d’un point de vue étroitement économique la vie matérielle, de la gagner aux grands idéals qui unissent » (p. 855). Ce reproche est injuste pour la bourgeoisie rhénane. Si elle ne sut pas dans le nouvel Empire jouer un grand rôle politique et social, c’est que le régime prussien l’avait détournée, par des obstacles accumulés durant un demi-siècle, de la noble voie que l’administration napoléonienne lui avait tracée.

En va-t-il mieux aujourd’hui ? Le régime prussien a-t-il atténué ces erreurs que le protestant rhénan nous met à même de constater ? Assurément non. Voyez les faits. Au système des cartels de l’époque bismarckienne, déjà dressés comme des forteresses, comme des machines impitoyables de guerre économique, pour l’acier et pour le charbon, voici que succède plus brutale encore une impitoyable centralisation berlinoise. Elle impose sa loi et sa doctrine aux industriels du Rhin. Tantôt elle mobilise tous les chefs d’entreprises allemandes dans des trusts formidables, tantôt elle les compartimente en autant de sections qu’il y a de branches dans l’activité économique, et ainsi militarisées elle les mène à nouveau au combat sur le