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usines, les possibilités de sa vie politique se sont trouvées plus étroitement déterminées et limitées par ses nécessités économiques. Elle a de plus en plus besoin d’une « politique des ports, » qui implique une politique d’impérialisme colonial et d’isolement européen. Pour y réussir, elle a usé de tous les moyens. « Son histoire extérieure est faite tout entière de contradictions dans les moyens dont elle s’est servie pour atteindre des buts restés identiques[1]. »


II

British policy is british trade. « La politique britannique, c’est le commerce britannique. » La maxime a été formulée par Pitt lui-même. « L’Empire, c’est le commerce, » proclamait Joseph Chamberlain. La politique des ports, c’est un mode d’application, par la diplomatie, de la politique commerciale. Comment, dans les traités de paix de 1919 et 1920 et dans toutes les formes de l’activité gouvernementale et privée, depuis la fin de la guerre, les Anglais ont poursuivi une politique des ports, c’est ce que nous voudrions montrer, en faisant, pour ainsi dire, le tour des côtes de l’Europe aux côtés du pilote qui tient le gouvernail du grand navire britannique.

La politique des ports a deux aspects, ou plutôt deux temps. Il s’agit d’abord d’assurer à l’Angleterre une influence politique prédominante dans les grands ports, ou tout au moins d’en écarter toute grande Puissance rivale. Si un grand port, centre d’importation et d’exportation pour toute une région, appartient à un petit État, c’est tout avantage pour l’Angleterre, qui pourra plus aisément s’en assurer le contrôle, y maintenir la liberté du transit franc de droits, y créer elle-même l’outillage, en surveiller les avenues, en monopoliser le commerce. Il s’agit ensuite d’assurer au port beaucoup de fret ; il faut qu’il devienne le débouché d’une région productrice et consommatrice. Ici la politique des matières premières vient compléter la politique des ports. Tel est l’intérêt du commerce anglais.

En face l’estuaire de la Tamise s’ouvrent les bouches de l’Escaut et du Rhin. La politique britannique a toujours veillé sur Anvers et Rotterdam. Le traité de Londres du 19 avril 1839,

  1. Ernest Lémonon, L’Europe et la politique britannique, Alcan, 1910, in-8, p. 19.