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… Je veux que, rencontrant l’un dans l’autre un obstacle,
Tous deux, âpres au gain, sur la proie acharnés,
Dans de honteux débats vous soyez entraînés.


Lorsque les deux amis se sont en effet avilis à cette poursuite intéressée, il s’en réjouira :


Bien. Raffermissez-moi dans le mépris de l’homme.


Clinias, plus tard, s’appellera le marquis d’Auberive, se donnera lui aussi le plaisir de voir s’épanouir le spectacle d’une bassesse qu’il aura provoquée et criera : « Crève donc, société ! »

Avant que vivent doña Clorinde, Séraphine Pommeau et Olympe Taverny, Clinias sait tout le mal que la femme d’amour peut faire lever autour d’elle, et s’il affranchit la belle Hippolyte, c’est afin que, dans la mesure possible, elle aille jouer parmi la société d’Athènes le rôle d’une aventurière, d’une lionne pauvre, d’une femme fatale, d’une Olympe. S’il l’affranchit, c’est qu’il la sait


Une femme pour tous dangereuse à connaître.


Et il insiste :


Je la veux affranchir pour que sur mes neveux
Elle exerce à son gré le charme de ses yeux ;
Que loin de leur foyer domestique elle entraîne
Tous les fils de famille à sa voix de sirène,
Et pousse incessamment mes chers concitoyens,
A perdre leur santé, leur repos et leurs biens…
Je l’affranchis, enfin, parce qu’elle est funeste,
Et que, si je pouvais, j’affranchirais la peste !


Et voulez-vous entendre déjà les jeunes hommes sympathiques troublés par la « blague, » dévoyés par la vie de luxe, saisis par la Contagion ? écoutez Clinias invectivant ses compagnons de fête :


… Vous avez surpris mon innocence
Au seuil du bon chemin que déjà je suivais,
Et m’avez sans respect poussé dans le mauvais
Grâce à vous ma fierté native s’est flétrie ;
Vous l’avez froidement tournée en raillerie,
Et mon honneur, tremblant sous votre cuisant fouet,
À force de se taire est devenu muet !