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Pologne ; ne saurait-on espérer que l’action de la Grande-Bretagne s’unisse à celle de la France pour le prévenir en assurant à la fois l’indépendance de la Lithuanie et son étroite alliance avec la Pologne ?

La politique anglaise dans la Baltique tend à constituer une fédération de petites républiques qui s’interposeraient entre la masse russe et la mer et dont chacune disposerait d’un ou plusieurs ports importants. L’Etat Letton dispute Libau à la Lithuanie et possède Riga ; Londres a cherché à la détourner, elle aussi, d’une alliance avec la Pologne. Vient ensuite l’Esthonie avec Reval, et, de l’autre côté du golfe, la Finlande avec Helsingfors. La diplomatie britannique a tenté de se faire « l’honnête courtier » de la paix entre Esthonie et Russie soviétique, entre Lettonie et Russie, entre Lithuanie et Russie, et, enfin, entre Pologne et Russie. Mais, au fond du golfe de Finlande, s’ouvre la fenêtre par où Pierre le Grand voulut que ses sujets fussent en communication avec l’Occident, et d’où, aujourd’hui, les bolchévistes regardent avec ironie la toile d’araignée des petites républiques par lesquelles le Foreign Office a rêvé d’arrêter la poussée de leurs armes et de leur propagande. Mais avec ces bolchévistes eux-mêmes, ne pourrait-on pas s’entendre ? N’ont-ils pas quelque chose à vendre et à acheter, du lin, des bois, des blés, des métaux ? Il faut que ces gens-là produisent, exportent et consomment. Quand on est un peuple de marchands, — c’est M. Lloyd George qui l’a dit, — on n’a pas le droit d’être difficile et de regarder de trop près aux antécédents du client, pourvu qu’il vende et qu’il paye. Mais a-t-il vraiment quelque chose à vendre et peut-il payer autrement qu’en monnaie de singe ? On aperçoit derrière une telle question le « rire de faune » de Lénine et la grimace sardonique de Bronstein, dit Trotski.

Tel est l’aboutissement de la politique des ports. C’est dans la Baltique qu’elle se déploie dans toute son ampleur. Le Gouvernement qui pilote le vieux navire britannique, observant les côtes d’Europe de ses jumelles marines, a cru pouvoir, après la Grande Guerre, rétablir à son profit dans les mers du Nord une sorte de Hanse ; il regarde comme un succès d’avoir semé les rives de la Baltique de petits États incapables de vivre et de se développer par eux-mêmes et, dans son acharnement à garantir ces minuscules républiques d’une influence polonaise