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Vienne, jusqu’en Bavière, et qui communique avec le Rhin par un canal. Cette ligne d’eau, qui coupe en diagonale tout le continent et trace un chemin direct de Londres à Constantinople, intéresse au plus haut degré la politique de Londres.

Les traités de Versailles, de Saint-Germain-en-Laye et de Trianon déclarent le Danube « international depuis Ulm » et prévoient un même régime pour le canal à grandes sections Rhin-Danube, au cas où il serait réalisé. Par le désir d’obtenir le libre usage et le contrôle de cette grande voie trans-européenne, s’expliquent certains aspects de la politique anglaise et, par suite, de celle des Alliés. Autant qu’on peut se rendre compte des directives générales d’une politique où l’instinct et les initiatives personnelles tiennent une si grande place, l’Angleterre a cru qu’il était de son intérêt de paralyser le développement de toute grande Puissance capable de maîtriser le cours du Danube et d’en accaparer la navigation. De même que la Pologne, et plus encore qu’elle, la Roumanie a été victime de procédés peu bienveillants de la part du Conseil suprême ; l’initiative de ces mesures, la responsabilité du langage qui fut parfois tenu au cabinet de Bucarest, qui cependant servait les intérêts des Alliés, appartient surtout aux plénipotentiaires britanniques, même quand les textes étaient signés Clemenceau. La Roumanie est coupable de receler dans ses flancs beaucoup de pétrole que l’Amérique et l’Angleterre convoitent et se disputent. On les a vues, chacune pour son compte, exercer sur le Gouvernement roumain une sorte dépression. M. Hoover, grand « vivrier » de l’Europe, cherchait à favoriser les trusts américains en menaçant la Roumanie de la famine, tandis que les Anglais lui laissaient entendre que la Transylvanie pourrait être rendue aux Magyars.

Sévère aux Roumains, nos alliés, l’Angleterre réservait ses faveurs aux Hongrois, ennemis de l’Entente, qui portent avec les Allemands les plus lourdes responsabilités dans les origines et la longue durée de la Grande Guerre. Comme un symbole destiné à montrer de loin que le Danube est un prolongement de la mer et donc justiciable de la Puissance maîtresse des mers, l’amiral Troubridge, de la marine britannique, s’installait à Budapest et y développait une politique opposée aux directives du Conseil suprême ; elle tendait à restaurer un Habsbourg sur le trône de saint Etienne et à faire de nouveau de la Hongrie,