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plus polie, accorda aux femmes une place qu’elles n’avaient pas encore eue : la vanité spirituelle rendit plusieurs d’entre elles comme un peu toquées de subtil plaisir. Pareillement, la nouveauté d’apprendre le latin, le grec, le droit, la médecine et de passer des examens, d’obtenir des diplômes, la griserie mentale de l’étude a pour effet de démoraliser plusieurs de nos contemporaines. « Ces femmes, dit Mme Colette Yver, sont encore présentement les parvenues de l’intelligence, les nouvelles riches du savoir. Cela passera ! » Plus tard, les Cervelines seront blasées, seront paresseuses comme des garçons. Puis ce n’est pas une raison, parce qu’il y a des Cervelines, pour que généralement les filles soient tenues à l’ignorance. D’ailleurs, il ne s’agit pas de créer des « femmes nouvelles ; » car « il n’y a pas de femmes nouvelles : il y a seulement de nouvelles difficultés à vaincre, pour la femme d’aujourd’hui. » Voilà comment Mme Colette Yver est féministe, et comment il est impossible qu’on ne veuille pas l’être avec elle, de la même façon prudente, positive et limitée à ce qu’il faut absolument.

Il suffit de le constater : les conditions présentes de la vie ne sont plus ce qu’elles étaient ; il serait absurde et scandaleux de condamner filles et femmes à ne prévoir qu’un genre de vie qu’elles ne mèneront pas.

Ce féminisme-là n’est pas une révolte et n’est pas une récrimination d’esclaves en train de s’émanciper. Ce féminisme-là ne contenterait pas Sidonie. Ce féminisme-là, c’est tout le contraire de la folie féministe.

Et, si l’on veut voir comment Mme Colette Yver n’est pas féministe et affronte résolument les rancunes des théoriciennes les plus ardentes, qu’on lise son chapitre, le troisième, consacré à la vie conjugale et, — sans peur ! — à l’autorité du mari. Bonne lecture !

La femme doit obéissance au mari. Et c’est le code qui ledit. Mais Sidonie, les Cervelines et toutes les féministes foncent, pour ainsi dire, comme un seul homme, contre cette petite phrase, qui du reste n’est pas du tout insignifiante. Elles la veulent supprimer. Supprimez-la ! répond Mme Colette Yver : « La psychologie de l’homme et de la femme n’aura point changé ; la vie conjugale suivra les mêmes lois. » C’est très bien dit. Seulement, je crois que beaucoup de féministes ne sont pas mariées et ignorent la vie conjugale.

Elles sont naïves et croient qu’il suffit de voter ceci ou cela pour changer toutes choses. Si le législateur était tout-puissant, figurons-nous que l’univers serait un lieu de parfaites délices. Mais le