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législateur a ses plus magistrales inventions bornées par la rude réalité qui leur est encore moins obéissante qu’à l’époux l’épouse le plus résolument féministe. Un beau jour, vers la fin du siècle avant-dernier, de vaillants législateurs connus sous le nom de nos Grands Ancêtres ont décidé que, dès le lendemain, tous les hommes seraient égaux. Ils l’ont voté ; on l’a cru : et, depuis lors, les hommes continuent d’être inégaux, admirablement inégaux, tout de même que si les Grands Ancêtres, au mépris de leur ancestrale grandeur, avaient joué à la bloquette dans le jardin des Tuileries.

Pourquoi, demandent les dames et les demoiselles féministes, la femme doit-elle obéissance au mari ? C’est, leur dit-on, qu’il faut bien que l’un des deux ait l’autorité principale : autrement, l’anarchie ! Elles ne redoutent point l’anarchie. Mais pourquoi le mari ? Ne leur répondez pas !

Leur tort est de se figurer que, dans un ménage, le mari joue le rôle d’un despote, la femme le rôle d’une esclave, tout simplement parce qu’il est écrit au code que la femme doit obéir à son mari. Elles ne connaissent rien, mais rien du tout, à la vie conjugale. Ce n’est pas cela ! Qu’est-ce donc ? Mariez-vous ! Elles diront qu’il y a de mauvais ménages. Il y en a de bons. Il y en a de passables ; et le législateur, s’il était sage, n’a pas cru qu’en inscrivant au code le principe de la suprématie maritale, d’un trait de plume, il rendait tous les ménages délicieux. Mais, vous, ne croyez pas, en supprimant une ligne du code, rendre les hommes et les femmes les meilleurs amis du monde. Craignez surtout d’ajouter une vaine révolte à de vieilles impatiences et un surcroit de sottise à la vieille infirmité de l’intelligence humaine. Épargnez, en outre, les grands mots : liberté, servitude, et le reste. Ces grands mots-là ne font que du vacarme ; et il n’est rien de plus dangereux, dans un ménage. Un peu de silence, plutôt !

Pour apaiser les dames et demoiselles féministes, on leur dit, — que ne leur dit-on pas ? — on leur dit qu’en échange de la suprématie dont le code l’a revêtu, le mari a des devoirs, quelques-uns très onéreux. La femme lui promet l’obéissance : il promet l’assistance et la subsistance ; il la promet à l’épouse et aux enfants éventuels, à toute la famille. Et lisons Mme Colette Yver : « La famille est ainsi ou ne sera plus. Mais la société peut exister sur un autre fondement que la cellule familiale. On peut, si l’on veut, concevoir par exemple l’amour libre et les enfants confiés à l’État… La nation serait un immense orphelinat et le rêve en est vraiment séduisant !… » Orphelinat, pour les enfants ; et, pour les parents, un mauvais lieu !… Mais enfin, dans la