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société constituée comme à présent, le mari doit assurer la subsistance de sa femme, de ses enfants, de sa famille.

Là-dessus, les féministes éclatent de rire, vous traitent de bourgeois, vous envoient consulter les statistiques et vous demandent de leur dire, — ou de leur avouer, — combien il y a de ménages et de familles où la femme, par son travail, n’apporte rien à la communauté. Aujourd’hui plus que jamais, aujourd’hui que la vie est plus coûteuse qu’autrefois !

Il y a, dans cette réplique, assez de triste vérité pour qu’on y regarde. C’est ce que fait Mme Colette Yver, avec le plus franc courage. Elle considère le travail des femmes, le travail à l’usine, le travail dehors, le travail qui empêche la femme de garder la maison, de la gouverner, de bien élever ses enfants, comme une absurdité ou comme une calamité. Elle le dit très nettement : « Il y aurait eu mieux à trouver, pour corriger l’insuffisance des gains du mari, que d’y adjoindre ceux de la femme. J’aimerais mieux qu’on trouvât économiquement le moyen d’augmenter les salaires masculins. Or, en jetant dans l’arène économique une multitude de femmes dont la production est reconnue inférieure à celle des hommes, pense-t-on favoriser l’élévation des salaires des hommes ? On fragmentera les emplois, on les dépréciera. Dans telle administration où cent cinquante hommes suffisaient, il faut deux cents femmes : voilà un fait. Croit-on qu’il contribuera économiquement à mettre les chefs de famille en état de gagner seuls le pain du foyer par des appointements suffisants ? Il faut que ces choses-là soient dites. N’acceptons pas triomphalement la dure loi, la désastreuse loi du travail des femmes. Il faut la dénoncer, en la subissant, parce qu’elle est un désordre social. Comment ! c’est à l’heure où, en France, les économistes n’entrevoient le salut que dans l’accroissement de la population, dans le développement intensif de la cellule familiale, c’est à l’heure où les moralistes sont contraints de ne pas conseiller autre chose que le principe divin de la multiplication de la race, où tous les esprits réfléchis sont d’accord sur cette nécessité d’être un pays très peuplé, que l’on admet sans protester cette ruée des femmes vers les emplois masculins ? Espère-t-on accorder l’un avec l’autre ?… » Si le travail des femmes est un malheur, du moins convient-il de ne pas ajouter à ce malheur, en bien des cas inévitable, maintes conséquences désastreuses et qui ne sont pas inévitables, mais qui surviendraient comme les représailles du féminisme exaspéré.

Mme Colette Yver a écrit deux romans, Princesses de science et