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les Dames du palais, où, « par des hypothèses aussi conformes que possible à la vérité de la nature humaine, » elle a étudié l’influence que peut avoir sur la vie conjugale l’activité professionnelle d’une femme, l’une médecin, l’autre avocat. Ce sont, comme le dit l’auteur, deux hypothèses et qui, bien entendu, n’impliquent pas une affirmation catégorique. Mais enfin, ces deux femmes ont une évidente vérité : or, elles vont à leur calamité par les plus honnêtes chemins. Leurs deux romans conduisent à l’opinion sur laquelle s’achève le quatrième chapitre de l’essai que j’analyse : « La femme seule peut et doit travailler, car nécessité fait loi. Mais opposons-nous de toutes nos forces à ce que le travail de la femme mariée entre dans nos mœurs. Il faut que l’opinion réagisse contre la facilité avec laquelle ce mal empoisonnerait et stériliserait la famille française. Et l’opinion, pour réagir, doit être pénétrée de ce principe qui ne souffre pas de modes, pas de transformations, pas d’évolutions : l’épouse au foyer. »

Dans les derniers chapitres de son livre, Mme Colette Yver présente comme désirables plusieurs réformes qui, introduites parmi les règlements administratifs et les lois, auraient pour effet d’améliorer, de rendre moins périlleux et plus digne, moins douloureux, le sort des femmes et des filles françaises. Car, si elle maintient avec énergie les principes d’éternelle vérité sans lesquels la famille se détraque, elle ne dit pas du tout que nos arrangements actuels soient exactement meilleurs et qu’il n’y ait qu’à s’incliner devant l’intangible merveille du passé ni du présent. Elle n’est pas féministe, car elle nie la prétention féministe par excellence, qui est de créer « la femme nouvelle : » ce projet lui semble une choquante absurdité, un rude mensonge ou une imposture. Mais elle admet, et ne se contente pas d’admettre, elle réclame des réformes.

De petites réformes ! dictées par le simple bon sens et qui auront l’avantage, — mais, au regard des féministes, l’inconvénient, — de ne bouleverser ni l’ordre social, ni l’ordre moral, ni l’ensemble des contingences au milieu desquelles nous avons nos habitudes, notre civilisation, notre défense accoutumée contre la barbarie sans cesse menaçante. De petites réformes ! et qui seront efficaces. De petites réformes ! et tout à fait dénuées de frénésie éloquente.

Le reste ne vaut rien. Mais, ce reste, c’est précisément le féminisme. Au contact du bon sens, le féminisme, comme la plupart des doctrines qui exaltent les foules et leur procurent des meneurs bientôt fameux, se réduit à n’être presque plus rien. Tout ce qui prêtait au discours tombe. Et l’on se calme ; on revient à examiner un