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amples périodes, qui établit, tout de suite, entre ses auditeurs et lui le courant électrique, et qui sait cueillir dans le cerveau de chacun d’eux les idées les mieux faites pour les convaincre et les émouvoir.

En répondant au remarquable discours de M. Pierre Forgeot, M. Briand a dit à son jeune et très distingué collègue : « Vous avez, Monsieur Forgeot, un esprit intuitif admirable et vous possédez, en quelque sorte, des antennes. » Quel compliment, de la part d’un homme qui excelle, en général, sinon dans l’étude des choses, du moins dans la perception soudaine et spontanée des faits, et qui a de meilleurs appendices céphaliques que les plus doués des arthropodes ! Dès ses premiers mots, M. Briand avait retrouvé toute la force de séduction qu’il exerçait sur les Chambres précédentes et, minute par minute, il allait à la conquête de travées nouvelles.

Un rapide exorde, pour demander, tout ensemble, la confiance de la Chambre et la liberté du Gouvernement dans les négociations prochaines. Pour le moment, il ne peut être question que d’indiquer des directives ; et voilà, tout de suite, le Parlement fixé. On ne lui dira rien ou presque rien par avance. Il devra faire crédit au Cabinet et, après les séances du Conseil suprême, il se trouvera, une fois de plus, devant un accord qu’il sera trop tard pour modifier ou devant un malentendu qu’il sera très difficile de dissiper. Rendons, du moins, à M. Briand cette double justice, d’une part, qu’il a pris crânement ses responsabilités; d’autre part, qu’il est, tout de même, à plusieurs reprises, sorti des nuages et a laissé tomber quelque clarté sur plusieurs points importants.

Il s’est, d’abord, expliqué, avec beaucoup de verve, sur la composition de son cabinet : « Les crises s’ouvrent et se dénouent parmi les hommes. Elles font apparaître à la surface pas mal de sentiments nobles et généreux, mais, de ci de là, se font jour aussi quelques préoccupations qui ne sont pas toujours d’une noblesse égale. » Bonne formule de justice distributive. Tout le monde y trouve son compte : les solliciteurs éconduits, comme les privilégiés qui ont forcé la porte. Puis, très habilement, au lieu de s’excuser d’avoir inutilement institué tant de sous-secrétariats d’État, M. Briand se justifie d’avoir fait deux choix que personne ne peut sérieusement critiquer, MM. Barthou et Guist’hau. Il prend M. Barthou sous sa protection; il parle de M. Guist’hau avec tendresse ; et il met tant de charme dans cette double défense que personne ne pense plus aux sous-secrétaires d’État, ou, du moins, s’il est encore deux ou trois députés pour y songer, ce ne peuvent être que ceux qui