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à un moment où le problème financier appelle des solutions héroïques, les deux lignes qu’y a consacrées la déclaration ministérielle pouvaient dispenser le Président du Conseil d’y faire à tout le moins une brève allusion. Il a bien prononcé une fois incidemment l’expression de détresse financière. Mais c’est tout. Des remèdes, pas un mot. Sous la caresse des ondes sonores, toutes les inquiétudes s’apaisent et tous les regrets s’assoupissent.

Quant à la politique étrangère, M. Briand l’a revêtue d’une ample et large tunique, à nuances variées et délicates. Dans le papier qu’il avait lu à la tribune, il avait évité de se déclarer ouvertement pour le projet de rétablissement de l’ambassade au Vatican : il s’était borné à dire que la France devait être représentée partout où elle a des intérêts, ce qui pouvait, tout aussi bien, signifier qu’elle doit être représentée à Moscou, puisqu’à n’en pas douter, elle a des intérêts en Russie. Dans son discours, il a déclaré qu’il soutiendrait « vigoureusement » le projet devant le Sénat, mais il a refusé d’indiquer s’il poserait ou non la question de confiance et même s’il reprendrait l’idée, qu’il avait récemment défendue comme député, de recommencer, avant le vote de la loi, des négociations officieuses à Rome au sujet des cultuelles ou d’autres matières analogues. M. Leygues avait, au contraire, insisté devant la Commission du Sénat pour une décision rapide et il avait expressément reconnu à la tribune, en réponse à M. Briand, qu’il lui semblait fâcheux de négocier sur des lois antérieures. On a, en effet, risqué de donner par-là un caractère politique à une mesure qui, au début, avait été beaucoup plus sagement présentée, comme se recommandant à tous les partis dans l’intérêt national. En retardant la discussion, on l’a, par avance, compliquée et obscurcie. Un nouvel ajournement ne mettra pas fin à des divisions regrettables. Il laissera peser sur les esprits une incertitude que personne n’a intérêt à entretenir. Des déclarations qu’a faites M. Briand à plusieurs membres des commissions parlementaires et que M. Lazare Weiler a rapportées au Sénat laissent cependant supposer que le Président du Conseil désire gagner du temps. Est-ce gagner ou perdre qu’il faut dire? Et ce projet n’est-il donc déposé depuis dix mois que pour servir aux cabinets de moyen de gouvernement et pour amuser les Chambres par le jeu alterné de la crainte et de l’espérance?

M. Briand a été beaucoup plus net, dans sa déclaration et dans son discours, sur la question capitale de nos alliances. Il a développé, avec un grand bonheur d’expression, une théorie qui lui est chère,