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vénérables vestiges du monde, la colonne faite de trois serpents de bronze enlacés qui supportait le trépied de Delphes, apportée là par les premiers empereurs d’Orient.


Puis au Seraï : M. Joubin nous y fait les honneurs du musée, où de la foule des objets qui n’intéressent que les professionnels émergent quelques chefs-d’œuvre.

Deux Tanagra exquis, un groupe et une Diane. Deux statuettes de marbre : une Minerve dont la tête est lourde, mais dont les draperies et le mouvement sont parfaits : une femme appuyée dont la tête est de la plus noble époque.

Deux bronzes, une tête d’athlète et un torse. Et enfin et surtout, les trois grands sarcophages découverts récemment dans l’ancienne Sidon : d’abord les pleureuses, si sobres avec les dix-huit figures de femmes dans toutes les attitudes de la douleur : le sarcophage lycien de la plus belle et plus pure époque, l’époque de Phidias et des métopes du Parthénon ; des chevaux et des chasses ; et enfin ce qu’on nomme le sarcophage d’Alexandre, celui probablement d’un de ses généraux, œuvre admirable et intacte de l’école de Lysippe : un fouillis de chasses et de batailles entre Grecs et Perses, aussi vivant, amusant, réel que les tombeaux de Dijon, d’une vie intense et portant encore les traces de la polychromie dont il est aujourd’hui prouvé qu’ils revêtaient presque tous leurs monuments.

Après midi, ç’a été la promenade vague et délicieuse à travers le bazar, dans les rues turques, et enfin, au coucher du soleil, à Sainte-Sophie et alors, alors, la grande musique : les détails s’effacent, mutilés ou grossiers, et c’est la grande symphonie, sereine et immense, très religieuse et très douce, l’harmonie des tons et des lignes, — et c’est tellement mieux que Saint-Pierre de Home, parce que c’est tout le contraire.

Diner à l’ambassade : visite du soir chez notre vieille amie la comtesse Starzienska, née Bibesco, aujourd’hui consulesse générale d’Autriche, — et toujours là même, le cœur débordant et bon enfant.


Le mercredi 31 mai : promenade à cheval le long du Bosphore, à Roumeli-Hissar, le vieux fort ruiné de Mahomet II ; planté à la partie la plus resserrée du Bosphore, il donnait la main par-dessus le Détroit à son pareil en face, sur la côte d’Asie.