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n’avait pas tardé à le tromper, avec une ardeur fougueuse et une audace intrépide qui magnifiaient sa beauté. D’abord, il n’avait pas voulu ouvrir les yeux : « Le monde, écrivait-il, me traite d’incrédule. Peut-être ne suis-je qu’un dévot… » Il avait dû enfin reconnaître son illusion. Au lendemain d’une scène atroce, il avait répudié la pécheresse. Puis il s’était remis au travail. Mais, après les orgies de la passion, l’exégèse des Saintes Écritures lui avait paru insipide. Il ne pouvait plus tenir en place : une inquiétude secrète le poussait à changer de résidence continuellement ; il promenait son ennui de Ludwigsbourg à Stuttgart, de Heidelberg à Cologne, de Weimar à Munich, de Heilbronn à Darmstadt. L’évolution historique des dogmes ne lui procurait plus aucune joie ; les rêveries mêmes de l’hégélianisme le dégoûtaient. Dans cette faillite générale, son caractère devenait chaque jour plus acerbe, son ironie plus incisive, sa dialectique plus dissolvante. Las d’une vie dont il n’attendait plus rien, il aspirait au néant.

C’est alors qu’il connut la Princesse Alice. Il affirma tout de suite son ascendant sur elle. Mais un profond mystère enveloppe encore le roman de leurs intelligences et de leurs âmes. On ne doute pas néanmoins qu’il l’ait profondément troublée dans ses croyances et qu’elle ait traversé des crises terribles.

Ses filles auraient donc hérité d’elle leur aptitude à l’exaltation religieuse. Peut-être faut-il aussi reconnaître en elles l’action d’un atavisme beaucoup plus ancien puisque je relève, dans leur ascendance féminine, les noms de Sainte Élisabeth de Hongrie et de Marie Stuart.


MAURICE PALÉOLOGUE.