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vieil arbre chenu et aux fontaines merveilleuses. Mais elle, pas ! « Dans tout ce que j’ai fait, dit-elle hautement à ses juges, il n’y avait ni sorcellerie, ni mauvais artifice. » Rien que l’appel à l’Esprit-Saint ! En tête de son armée, pour chant de guerre, elle faisait chanter l’hymne sublime du Veni sancte Spiritus.

L’écrivain palatin Auguste Becker rapporte que les paysans de la vallée palatine célèbrent Napoléon comme le héros qui a chassé les mauvais esprits. Jeanne d’Arc, deux fois, comme héroïne et comme sainte, est de cette race libératrice. C’est bien ainsi que les Rhénans l’ont vue. Une légende du Rhin raconte que les vignes, tout autour de Reims, gâtées par les hommes d’armes et leurs chevaux, se relevèrent et fleurirent d’une autre pousse merveilleusement féconde après le passage de Jeanne d’Arc. Plaise à la Germanie de s’imposer aux âmes par l’évocation des puissances de ténèbres et de terreur ! La jeune fille venue de Lorraine dissipe les forces mauvaises et dispose les imaginations à se laisser charmer par les grands actes de justice. Tous ses prestiges, tout le merveilleux de sa vie sont faiseurs de clarté. Elle est le mystère en pleine lumière.

Nous avons vu la piété rhénane qui demandait à notre nation, tout au long du XIXe siècle, une discipline et des devoirs, et qui admirait chez les filles de France la vocation de charité et l’application professionnelle à soigner les malades et à secourir les pauvres. Or Jeanne enfant allait consoler les malades et visiter les pauvres de Domrémy ; c’est un laboureur du village qui en dépose au procès : « Je le sais par expérience, dit-il, car étant enfant, j’étais malade, et Jeanne venait me relever le cœur. » Elle-même, croit-on, ses Voix l’appelaient « fille au grand cœur. » Elle fut suscitée par la grande pitié qu’il y avait au royaume de France, et toujours elle considéra sa mission comme une œuvre d’immense charité : « J’ai été envoyée, disait-elle, pour la consolation des pauvres et des malheureux ; » et encore : « Les pauvres gens venaient à moi volontiers, parce que je ne leur faisais pas de déplaisir, mais les supportais à mon pouvoir. »

Nous avons vu l’activité rhénane se développer en paix et librement sous la tutelle conseillère de l’administration française ; nous avons vu l’application professionnelle des Rhénans et leur goût du travail encouragés par nos préfets, et cette riche variété d’efforts s’épanouir dans une harmonie des professions et des classes. Or Jeanne d’Arc à Domrémy