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courant romantique. Mais elle ne s’en attacha que plus fortement au principe sévère de son institution. On l’avait confinée dans l’érudition ; elle devait se contenter de « travailler pour les historiens ; » son rôle était tout de labeur minutieux, d’investigation scrupuleuse, de science appliquée. En somme, on l’avait placée au bas bout de la table : elle s’y installa. Avec une modestie orgueilleuse, elle se consacra à ce que l’un de ses maîtres a appelé « la méthode en soi. » Elle travailla non pour le gain, non pour la gloire, mais pour l’œuvre elle-même. Aucune besogne ne la rebuta, aucune longueur de temps n’usa sa patience, aucune douceur d’existence ne la séduisit. Elle mit son idéal sur une crête aride et escarpée ; et ce fut précisément l’idéal de Saint-Maur qui devint celui de ces « Bénédictins laïques. »

Il fut entendu, dans le monde de la littérature et de l’histoire, que l’École des Chartes était la Cendrillon de la pensée française. Il lui appartenait, — car c’était la métaphore courante, — « d’apporter les matériaux ; » d’autres « élèveraient le monument. »

L’École des Chartes a, depuis cent ans, travaillé dans cet esprit et selon ces principes. Qu’a-t-elle produit ? Les œuvres et les hommes répondent pour elle.

Disons d’abord les œuvres.

Les Chartistes, reprenant la suite du travail des mains des Bénédictins, se sont mis, avant toute chose, à débrouiller l’amas confus des vieilles archives françaises. Par leur application pénétrante, obstinée, inlassable, ces masses documentaires, jusqu’alors impénétrables, se sont ouvertes : elles sont devenues accessibles et même familières à l’étude et à l’opinion. Ainsi les titres de la nation lui ont été rendus.

Prenons un exemple pour être clair. Les archives du ministère des Affaires étrangères avaient gardé jalousement leur secret avant qu’elles aient été abordées selon l’esprit de l’École des Chartes. La France ignorait les principes et les traditions de sa séculaire action au dehors. Comment, pour quelles raisons, par quels moyens, avaient agi Richelieu, Mazarin, Lyonne, Choiseul, Talleyrand, Napoléon lui-même, personne ne le savait au juste, puisque les documents où ce passé est inscrit dormaient