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l’action de la France s’est exercée, pour les tâches infiniment diverses où son génie s’est déployé. À chacun de ces « lieux » de l’histoire, vous trouverez un élève de l’École des Chartes procédant au relevé du passé et orientant, par le passé, l’avenir. Dans toutes les préfectures, les archivistes, les bibliothécaires nourris des doctrines de l’École, sont au travail. L’impression des inventaires des archives départementales commença en 1861. En juin 1920, la collection comprenait 540 volumes (grand in-4o) dont 370 sont dus à des archivistes paléographes ; et la collection des inventaires d’archives communales et hospitalières forme 273 volumes dont 100 ont été rédigés par d’anciens élèves de l’École, et tous selon son esprit. Cela veut dire qu’il n’y a pas un coin de notre histoire provinciale qui n’ait été touché maintenant par un rayon de lumière.

Rien de plus attachant que ces inventaires. Pas un nom de famille française qui n’y soit mentionné en quelque endroit ; le plus humble de nos paysans trouverait là sa généalogie, ses titres de noblesse nés de la terre qu’il cultive ; il y lirait aussi les conditions de l’existence ancestrale, comment ses mœurs, sa langue, sa propriété, ses voisinages, son bonheur et son malheur publics et privés se sont formés et produits. Il saurait le sang qui coule dans ses veines, la portée de ses actions, même instinctives, de ses gestes même inconscients, de sa vigueur ou de ses tares physiques, intellectuelles et morales ; il saurait pourquoi il est Breton, Picard, Gascon, Provençal ; et comment, par l’effort persévérant des siècles, ses ancêtres, ces êtres humains dispersés dans les bois et dans les marécages de l’ancienne Gaule, sur un sol sans unité originelle, sont devenus des Français. Un peu de curiosité suffit désormais pour l’apprendre. Mais quel labeur il a fallu à ceux qui ont mis ces lumières à notre portée et qui nous ont guidés dans ce labyrinthe !


Personne ne le conteste, les archivistes sont excellents pour les catalogues et les inventaires. Ils ont entretenu le feu sacré de l’histoire dans la plus reculée de nos provinces. Mais, est-ce tout ? — Attendez.

Ces vieux parchemins, il ne suffit pas de les conserver et de les classer : il faut savoir les lire. Eh bien ! l’École et l’École seule détient cet autre secret. Sickel écrivait en 1887 : « Si la France occupe le premier rang dans les études paléographiques,