Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/811

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
807
L’ŒUVRE DE LA FRANGE EN SYRIE.

le jeu dont les atouts qu’elle devait abattre un jour s’appelleraient le Traité de Sèvres.

En raison même de ces circonstances, toutes les convoitises européennes demeuraient en action. Les ambitions italiennes, excitées par les promesses de Saint-Jean-de-Maurienne et déçues par le geste de Smyrne, redoublaient d’ardeur en face de l’activité grecque. Celle-ci s’orientait avec une admirable obstination et une virtuosité consommée vers le chemin de Byzance, sur les routes d’Europe et d’Asie, grâce au grand homme d’État auquel elle vient de préférer le régime qui l’avait déshonorée. L’Angleterre poursuivait avec sa ténacité traditionnelle la course aux Détroits et la couverture lointaine de la route des Indes, abandonnant, il est vrai, à la France l’occupation de la Cilicie et de la Syrie. Mais elle lui adressait en même temps l’émir Feyçal, en faisant connaître au Gouvernement français qu’il lui appartenait de tenir les engagements précédemment pris par elle vis-à-vis du prince arabe.

C’est à ce moment, et après ces préliminaires européens et syriens, indispensables à rappeler pour l’intelligence de la suite, que se place la désignation du général Gouraud, comme Haut-Commissaire au Levant. Il allait avoir la tâche redoutable de faire face, avec des moyens mesurés, au double problème de Syrie et de Cilicie, qui tiendrait largement les promesses de difficultés qu’il était aisé de pressentir. Malgré le prestige séculaire de la France au Levant, à cause même de ce prestige, qui faisait attendre le coup de baguette magique d’où naîtraient toutes les prospérités, comme dans les contes des légendes d’Orient, il allait avoir à traverser une cruelle période d’épreuves. Que l’on se rappelle l’époque qui a suivi en Alsace et en Lorraine le retour des troupes françaises après l’armistice, et l’on comprendra comment un pays qui s’est donné à la France avec tout son amour peut, en la recevant, en attendre au delà même des possibilités humaines.


Au début de novembre 1919, le général Gouraud et sa première équipe quittaient Paris pour le Levant. Le Département des Affaires étrangères avait voulu marquer toute l’importance qu’il attachait à la partie politique de cette mission, en y déléguant comme second personnage M. Robert de Caix, l’homme de France qui connaissait sans doute le mieux nos affaires