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correspondait cette formule. Mais l’ennemi passa sans crier gare au régime de guerre, et c’est alors que la situation devint intenable.

Il était impossible de faire revenir, sans aller au-devant d’elles avec des forces plus importantes, les garnisons lointaines ; quand elles ont tenté, elles-mêmes, ce retour avec leurs seules forces comme à Ourfa, elles ont été massacrées. Il était impossible également d’étayer notre faible armature de postes par le rayonnement de colonnes mobiles qu’on ne pouvait constituer faute d’effectifs ; enfin, il devint bientôt même impossible de ravitailler, à travers un pays entièrement hostile, les détachements les plus lointains, et, comme les renforts n’arrivèrent pas à temps d’Europe ou d’Afrique pour les secourir, deux d’entre eux succombèrent.

Voilà quelles furent les douloureuses difficultés de la situation, tant que la question des effectifs ne put être résolue. Nous n’examinons pas s’il y avait lieu ou non pour la France, c’est-à-dire pour les maîtres de sa politique, d’aborder un aussi redoutable problème ; il s’agit seulement ici de préciser dans quelles conditions les exécutants ont eu à le résoudre, au prix de leurs souffrances. C’est l’histoire d’un passé qui engage, mais aussi assure l’avenir.

Tout un hiver et un printemps durant, ce ne furent que navettes épuisantes d’unités obligées de faire front sur tous les théâtres d’opérations, qu’envois successifs en Cilicie de troupes précédemment destinées à la Syrie et absorbées par le front Nord où le danger devenait chaque jour plus grave, que mesures, pour ne pas dire expédients, en vue de faire face à la fois à deux problèmes angoissants, celui de Syrie et celui de Cilicie.

En Syrie, le chantage de Feyçal pèsera sur nous jusqu’au moment où l’on en sera réduit à y mettre fin par l’emploi d’une force devenue disponible grâce à l’arrivée de renforts.

En Cilicie, et sur tout le front Nord, ce sera la lutte contre le mouvement national sans cesse grandissant et disposant de forces régulières, de munitions abondantes et de tout le redoutable appareil de la guérilla.

Les problèmes furent simultanés. Il ne faudra pas l’oublier, bien que les facilités d’exposition exigent qu’ils soient présentés séparément, et en n’invoquant dans les lignes consacrées à l’un