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L’ŒUVRE DE LA FRANCE EN SYRIE.


l’aider, à la condition que les minorités chrétiennes reçoivent la protection à laquelle elles ont droit. Les populations qui constituent cette minorité recevront en même temps l’avertissement d’avoir à se tenir sur une sage réserve, et d’éviter toute provocation.

Elles ont grand besoin de cette recommandation, car les manifestations arméniennes ne l’ont pas cédé aux attaques des Turcs, surtout quand la composition des cadres français permettait aux Arméniens de nous croire disposés d’avance à tout tolérer de leur part. Les populations musulmanes, sous la terreur des menaces arméniennes, avaient alors abandonné en masse le pays à leur tour.

C’est ainsi qu’au début d’août, le groupe avancé de la population arménienne a organisé un coup d’État qui aurait pu tourner au tragique, s’il n’avait avorté. Un certain nombre d’Arméniens, familiers d’ailleurs du Palais du Gouverneur, s’y réunirent solennellement, puis firent convoquer les Autorités françaises... C’était pour leur notifier les décisions du Gouvernement provisoire qu’ils considéraient comme constitué par eux, à la tête de la Nouvelle République arménienne de Cilicie, dont ils proclamaient la création en faisant appel à la protection de la France. Mais le nouveau Gouvernement siégea peu de temps au Konak : une section de tirailleurs l’invita à se retirer.

Le côté regrettable d’une telle manifestation n’a pas besoin d’être démontré. Cette révolution tomba comme elle s’était élevée, mais elle était un indice de l’état d’esprit des populations arméniennes de Cilicie se recommandant de notre protection. Celles-ci ne comptent pas avec l’étendue des sacrifices que nous nous sommes imposés pour elles, et veulent exiger leur renouvellement constant, au prix même du sang de nos soldats. Si l’on en marchande les gouttes plus que jamais sacrées, on est taxé d’ennemi et traité comme tel. Comment ne pas répondre alors qu’au cours de l’année écoulée, la France a dépensé au Levant, pour la protection des Arméniens, et la vie de trop de ses fils, et vingt et un millions de francs ?

Cette attitude généreuse et désintéressée de notre pays dans une province qui doit échapper à sa souveraineté nous donne le droit d’y avoir cependant quelques exigences. La politique de conciliation avec les Musulmans est actuellement la principale