Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/848

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conspira contre le gendre ; et il est certain que Constantin le fit arrêter à Marseille et puis, deux ans après, disparaître pour toujours (310) sans égards aux grands services rendus- par lui à l’Empire. C’est au milieu de ces désordres et de ces intrigues que tout à coup, en 311, trois des quatre empereurs légitimes, Galère, Constantin, Licinius, promulguent un édit, qui suspend la persécution du christianisme.


II

Comment expliquer ce changement soudain d’une politique qui durait depuis tant d’années ? A quoi devaient les chrétiens de voir finir la dernière grande persécution qu’ils eurent à subir ? Dans l’impossibilité où nous sommes d’apprécier le rôle joué dans ce revirement par les convictions personnelles des empereurs, nous pouvons mieux déterminer l’influence exercée par la dangereuse situation intérieure de l’Empire. Il était évident que l’accord entre les cinq Augustes ne pourrait pas durer longtemps, maintenant qu’il n’y avait plus parmi eux une autorité prépondérante et que tôt ou tard une nouvelle guerre civile se produirait. Mais Maxence et Maximin Daia étaient favorables à l’ancien culte païen et contraires aux chrétiens ; Maximin Daia tâchait même de donner au paganisme une organisation plus forte. Il est donc vraisemblable que les trois autres Augustes pensèrent à se procurer avec ce décret l’appui de l’élément chrétien si puissant, pour les éventualités de l’avenir. En d’autres termes, les chrétiens venaient à profiter de l’affaiblissement de l’Empire, dont cette nouvelle crise du pouvoir suprême était la cause.

Le décret de 311 est donc un des signes qui annoncent, après tant d’autres, une nouvelle guerre civile. Elle sembla, en effet, éclater tout de suite après la proclamation de l’édit, à la mort de Galère. Licinius et Maximin s’apprêtèrent à se disputer la succession par les armes, mais peu après ils s’accordèrent et se partagèrent l’Orient. Maximin prit l’Asie-Mineure, la Syrie, l’Egypte ; Licinius, le reste des provinces orientales, du Bosphore à l’Adriatique. La crise devait éclater sous peu, non en Orient, mais en Europe. Depuis deux ans au moins, Constantin, qui s’était déjà signalé en des guerres heureuses contre les Francs et les Alamans, surveillait attentivement les affaires