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l’Empire, la fondation de Constantinople. Si les causes de ce grand événement furent nombreuses, la principale doit être cherchée dans la décadence des provinces occidentales, dévastées par les barbares, appauvries, dépeuplées. Comme le développement des provinces occidentales, et surtout de la Gaule, avait fixé le siège de l’Empire en Italie, de même celui-ci se déplaçait vers l’Orient, c’est-à-dire vers les provinces plus riches, plus peuplées, moins touchées par la crise des temps, maintenant que l’Occident tombait en ruines. Constantin choisit avec une extraordinaire intelligence l’endroit, car Constantinople est la situation idéale pour la capitale d’un Empire qui est moitié en Asie et moitié en Europe. Mais transporter la capitale de l’Empire sur le Bosphore, c’était déclarer que la tâche de Rome en Occident, — la dernière grande œuvre de la civilisation ancienne, — était terminée, et que des temps nouveaux commençaient.

Constantin n’eut guère plus de succès, soit dans ses tentatives pour assurer, avec le principe dynastique, l’unité et la continuité du suprême pouvoir, soit dans ses tentatives pour résoudre le problème du principe suprême d’autorité, qui avait tourmenté l’Empire depuis le temps d’Auguste. La dynastie qu’il veut fonder, est tout de suite minée par les discordes, par les soupçons, par les jalousies : aux maux qui avaient jusqu’alors affligé l’Empire, succèdent les sanglantes et obscures tragédies dynastiques. C’est dans la famille du fondateur lui-même que commence la longue histoire des révolutions de palais, dont Constantinople sera le théâtre pour tant de siècles. Déjà, en 326, pour des raisons inconnues, Constantin fit tuer son fils Crispus, le vainqueur des Francs et de Licinius, et peu après sa seconde femme Fausta, fille de Maximien. En 333, il accomplit un acte moins tragique, mais encore plus significatif, comme preuve de la faiblesse de tout l’édifice politique qu’il avait bâti. Il partagea l’Empire entre ses trois fils et un de ses neveux. Il assigna à Constantin l’Espagne, la Gaule, la Bretagne ; à Constance, l’Asie, la Syrie, l’Egypte ; à Constant, l’Italie, l’Illyricum, l’Afrique, et à tous les trois le titre d’Auguste ; au neveu, Dalmace, avec le titre de César, la Thrace, la Macédoine, l’Achaïe. Enfin, à un frère de celui-ci, Annibalien, étaient assignés, avec le titre de roi des rois, le trône vacant de l’Arménie et les régions limitrophes du Pont. A quoi servait d’avoir tant lutté et répandu tant de sang pour renverser la tétrarchie de Dioclétien,